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La modernisation des hélico de Type Mi: à pas comptés


(BRUXELLES2) Lancé à l’initiative de la France et du Royaume-Uni en mai dernier, le projet de mise en « disponibilité d’hélicoptères » se développe lentement mais sûrement. L’initiative est originale - on ne le dira jamais assez - car elle est commune aux deux organisations de sécurité (OTAN et UE) et vise à rendre disponibles davantage d’hélicoptères, en particulier ceux de fabrication russe de « type Mi » (Mi 8, Mi 17…) qui équipent la plupart des pays d’Europe de l’Est. En effet, ces machines sont souvent impropres à l’utilisation sur des théâtres d’opérations hors d’Europe. Non pas qu'elles soient hors d'usage. Mais simplement, elles n'ont pas été conçues et équipées pour un usage sur un terrain accidenté, désertique ou n'ont pas les derniers équipements nécessaires pour des opérations multinationales.

Le "traumatisme" de la difficile génération de forces Tchad/Afghanistan

Comme l’a montré un séminaire, qui s’est tenu à Prague sous présidence tchèque le 3 février, la plupart des pays européens sont intéressés à cette initiative, à un titre ou un autre, soit parce qu’ils ont besoin d’hélicoptères, soit parce qu’ils veulent que leur parc soit modernisé, soit aussi pour des raisons industrielles. Chacun — tant à l’Otan qu’à l’UE — a encore en mémoire les « difficiles générations de force difficiles tant de l’opération de l’ISAF en Afghanistan que de l’opération « EUFOR » au Tchad ». Un « véritable traumatisme »... Martin Bartak, le vice-ministre tchèque pour la Défense, a d’ailleurs souligné le « besoin d’une complémentarité maximale et d’une coopération entre les deux organisations, tant au niveau politique qu’en ce qui concerne le développement des capacités ». Parmi les thèmes abordés, à ce séminaire, la disponibilité pour les opérations, le retour d’expérience des missions actuelles (EUFOR, IFAS), les solutions techniques et logistiques et enfin la mise en place d’un pool multinational d’hélicoptères « de type Mi » pour les opérations internationales.

La contractualisation privée, fausse solution

Ce séminaire a été utile pour faire le bilan de l’initiative et tirer certaines leçons du passé, notamment la limite du recours à la contractualisation privée pour des opérations en zone de risque. Les Irlandais qui ont recouru à ce mode de contrat pour
l’opération « Eufor » au Tchad ont ainsi eu la désagréable surprise de découvrir, sur le terrain, que leur partenaire privé n’était pas habilité pour effectuer certaines missions, notamment de transport de troupes (lire également:
Deux hélicoptères irlandais interdits de mission ?). Ce qui a limité drastiquement l’utilisation de ces hélicoptères alors que « Eufor » en manquait. De même, la contractualisation privée pour couvrir certaines tâches comme les évacuations médicales se heurte souvent à une limite « les pilotes privés ne pouvant/voulant effectuer des évacuations en zone de conflit » raconte un spécialiste de ces questions.

Former les hommes, moderniser les matériels

L’initiative « Hélicoptères », lancée en mai 2008, couvre deux aspects : les hommes, les matériels. En premier lieu, il s’agit ainsi de perfectionner l’entraînement des pilotes et leur aptitude à voler dans certaines conditions (montagnes, désert…). Une première formation a ainsi eu lieu en septembre dernier dans les Pyrénées français (avec des pilotes tchèques), une autre est prévue au printemps dans les Alpes à Gap (avec des pilotes tchèques, hongrois et polonais). En second lieu, il s’agit de rénover certains hélicoptères par l’ajout d’équipements nécessaires pour le vol en opération hors d’Europe (vol de nuit, vol en désert, montagne, blindage, équipements électroniques…). 3 hélicoptères tchèques ont ainsi déjà été rénovés. Environ 150 hélicoptères, de type Mi, seraient susceptibles d’être modernisés, a priori. Mais les fonds disponibles sont limités.

Un financement un peu "juste" mais beaucoup contribuent

Le « Trust Fund », mis en place au Shape (Otan), est actuellement doté d’environ 20 à 26 millions d’euros (selon qu’on prend en compte les sommes arrivées ou promises) dont environ 10 millions d’euros ont déjà été dépensés. Une somme bien modeste quand on sait que la rénovation d’un seul hélicoptère coûte plusieurs millions d’euros (de 4 à 7 millions environ). Une dizaine de pays – membres de l’UE ou de l’OTAN - ont déjà contribué : le Royaume-Uni (7,5 M€), la France (5 M€), Norvège (2 M€), Turquie (2 M€), Australie (2-3 M€), Finlande (0,5 M€), Islande (0,5 M€), Estonie et Lituanie (entre 20 et 50 000 euros, la contribution peut paraître symbolique mais elle correspond proportionnellement à la contribution des autres Etats).

Plusieurs Etats (Allemagne, Chypre, France, Norvège, Pays-Bas, Ukraine…) contribuent également en nature à cette initiative, par la formation des pilotes, la mise à disposition de zones d’entraînement (montagneuse dans les Alpes ou Pyrénées, ou désertiques comme à Djibouti), l’apport en matériel (électronique de vol…) ou de compétences industrielles (l’Ukraine notamment dispose de ces compétences).

Le principe du fonctionnement du Trust Fund est celui de tout fond. Le pays qui demande un financement dépose un dossier. Les pays financeurs membres du Fond – ainsi que l’Agence de l’Otan et l’Agence européenne de défense – se réunissent et décident de retenir le projet et de débloquer les financements nécessaires en tenant compte des restrictions d’usage (caveat). Certains pays ont en effet posé des « caveats » par exemple que l’argent soit réservé à certaines actions (exemple : entraînement) ou interdites pour d’autres (exemple : pas d’utilisation en Afghanistan).

Vers un pool hélicoptères

Un état des lieux de l’initiative « hélicoptères » sera présenté au prochain sommet de l’Otan, à Strasbourg-Kehl, début avril. En espérant que les chefs d’Etat et de gouvernement décident de passer à une vitesse supérieure. L’objectif est, en effet, de pouvoir créer une unité d’hélicoptères multinationale, de type Mi (Hip selon le code Otan), susceptible de participer aux missions de l’OTAN et de l’UE. La République tchèque, décidement très motivée par ce projet, s’est portée candidate pour prendre le rôle de leader dans le groupe de travail de cette HIP Helicopter Task Force (ou HHTF). Faut-il préciser que le motoriste tchèque LOM Praha est la seule entreprise à être agrée par le constructeur russe Mil pour effectuer les modifications, transformations sur ces hélicoptères.

(photo : Ministère de la Défense tchèque)

Nb : article publié avec d'autres détails pour Europolitique

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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