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(Dossier EATC) 167 avions sous la main

la salle opérationnelle d'EATC (© NGV / Bruxelles2)

(BRUXELLES2 à Eindhoven) L’aéroport civil d’un côté ; l’aéroport militaire de l’autre. A l’étage, la salle d’opérations d’EATC. Le saint des saints. Sur les grands écrans au mur défilent les destinations les plus exotiques (Bamako, Tripoli…) comme les plus classiques (Lorient, Toulouse, Pristina Kfor). Ici se succèdent, par tranche de 12 heures, des équipes de 4 personnes (un shift) qui sont à même de « remplir les diverses fonctions dévolues à l’EATC (planifier, « tasker », contrôler, report et soutien médical) » m'explique le commandant de la division opérationnelle, le colonel néerlandais Jurgen van den Biezen. Les types de mission varient : du simple transport de matériel, à l’exercice de lâcher de parachutistes aux transferts de troupes vers les différents théâtres (Afghanistan, Kosovo…) et aux évacuations de citoyens (comme en Libye dernièrement).

Dans la salle, quatre officiers, quatre fonctions

Le principe de la mission est classique. On reçoit un message de demande (« request message ») qui est transmis au centre de mouvements. L’officier de permanence reçoit, planifie la demande, contrôle l’exécution de la mission. Enfin, est fait un rapport (le reporting) qui est retourné aux États participants. A Eindhoven, « on reçoit le message : on vérifie si le moyen demandé est disponible, on produit l’ordre de mission, on contrôle et vérifie que la mission est exécutée, après la mission on fait le rapport et on analyse les missions. »

la salle de contrôle opérationnelle d'EATC (© NGV / Bruxelles2)

Au mur, le monde défile

Un tableur regroupe – en temps réel – toutes les informations nécessaires : type d’appareil, immatriculation, heure de décollage, d’atterrissage, destination, cargaison, nombre de personnes… jusqu’au nom du commandant de bord. Des petits sigles (bleus, vert, orange…) symbolisent l’état de la mission (en préparation, prête au décollage, en vol, effectuée). D’autres tableurs permettent de savoir pour chaque appareil, les heures de vols, les problèmes techniques rencontrés, les entretiens à effectuer…

Un logiciel maison

Pour cela, il a fallu bâtir un système informatique pour les 4 nations. Il a d'abord été implanté totalement chez les Allemands et Néerlandais. Chez les Français, cela a été un peu plus long car il a fallu équiper chacune des bases opérationnelles françaises et outre-mer de ce logiciel, pour avoir toutes les informations en temps réel. Avec les Belges, il y avait un « problème technique » (transmissions et connectivités), jusqu'à peu, qui a été réglé dernièrement.

Le Col. Jurgen van den Biezen qui dirige la division opérationnelle (© NGV / Bruxelles2)

Les 4 étapes d’une mission

1) Le « planning ». Le plus important est de prioritiser les messages, en fonction de la demande (personnes, cargo, …) et de maximiser les déplacements, en faisant au besoin des escales. L’Etat a deux choix : soit garder la mission en national, soit demander à EATC d’exécuter la mission nationale. Le message vient normalement du centre de mouvements (militaire). Pour les rapatriements de citoyens, cela provient en général du Ministre de la Défense.

2) Le « tasking ». Il faut préparer la mission : la durée du vol, la route, les moyens nécessaires sur place. EATC dispose de deux sections, l’une se chargeant des vols tactiques (vols « kakis », l’autre des vols non tactiques (avions blancs et vols stratégique).

3) Le contrôle. L’homme de la maintenance est aussi important pour fournir les moyens logistiques nécessaires, résoudre les possibles problèmes de maintenance, pré-positionner les moyens nécessaires, containers de chargement…

4) L’évacuation aérienne médicale CC (AECC) : formation des médecins et des chirurgiens, pour avoir en permanence une équipe disponible 24h/24. « Si on a une demande de transport d’un patient, par exemple pour l’Afghanistan, il y a des avions spécifiques qui peuvent être utilisés pour le rapatriement. L’idée, là aussi, est d’éviter de prendre un avion civil, quand un avion militaire passe par là ».

Financement

La répartition de la charge financière reste faite en fonction du système Atares, la bourse d’échanges qui regroupe 27 nations. Le rôle d’EATC, c’est dans ce cas de « surveiller ces échanges, d’éviter un dérapage budgétaire ». Dans l’avenir, il n’est pas exclu de revoir ce dispositif - explique le Ltc Monard - « pour avoir un système plus intégré qu’Atares » qui reste, en soi, assez sommaire.

Un hub à terme

A Eindhoven, au QG d’EATC, il n’y a pas d’avions garés sous les fenêtres du quartier général. Les avions restent sur leur base de départ. Creil, Evreux, Orléans, Mont de Marsan, coté français ; Hohn, Wunstorf, Köln et Landsberg coté allemand, Eindhoven pour les Néerlandais et Melsbroek (Bruxelles) coté belge (voir carte). Car « c’est là qu’est assuré le soutien. Mais on peut faire démarrer un avion de Paris pour charger à Köln et repartir sur l’Afghanistan ensuite ». A terme, on espère pouvoir « travailler en hub ».

Premier bilan

En quelques mois de fonctionnement, entre le 15 octobre et fin février, EATC a déjà effectué plus de 2000 missions, dont 1400 pour les Allemands, près de 550 pour les Français et 100 pour les Néerlandais (chiffres au 28 février). Il totalise plus de 13.000 heures de vols, avec une nette différence entre les vols Allemands (environ 5 heures par vol) et les vols français ou néerlandais (environ 8 heures par vol). Il a transporté 66.600 passagers, 144 Medevac (évacuations médicales, 83 pour les Allemands, 60 pour les Français et 1 pour les Néerlandais), 3.300 tonnes de fret et assuré 42 missions de ravitaillement en vol (essentiellement pour les Néerlandais et Allemands).

A son actif, aussi quelques réussites comme des rapatriements de citoyens européens dans les pays arabes, en Libye notamment.

* * *

La flotte : 167 avions

  • La flotte regroupe 167 avions sur les 257 disponibles dans les 4 pays. Un peu moins de la moitié de la flotte française (57 sur 130 avions), 80% de la flotte allemande (82 sur 100 avions), la totalité des flottes Belge (19 avions) et néerlandaise (8 avions).
  • Des avions tactiques (kakis) : 25 C-130 (11 Belges, 10 Français, 4 Néerlandais), 110 C-160 (36 Français et 73 Allemands + 1 médicalisé *), 9 Casa 235 (Français),
  • Des avions stratégiques (blancs) : 9 Airbus A-310 (1 Belge, 3 Français, 4 Allemands + 1 médicalisé *), 2 Airbus A340 (Français), 2 KDC 10 (néerlandais), 4 CL 601 (Allemands *, 2 Airbus A319 (Allemands), 1 DC10 (Néerlandais)
  • 1 Gulfstream (Néerlandais), 4 Embraer (2 ERJ 135 et 2 145 Belges), 3 Falcon (2 Falcon 20 et 1 Falcon 900 belges).
  • (*) Ces avions restent sous OpCon allemand, mais ils sont à disposition d’EATC notamment pour les évacuations médicales.
  • Les bases des avions de transport d'EATC (crédit : EATC/ B2)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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