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Le plan d’action de l’UE pour l’Afghanistan et le Pakistan

(BRUXELLES2) Il y avait le plan "McCrystal" pour le "surge" militaire en Afghanistan, il y a maintenant un pendant civil et européen. Certes le second n'est pas aussi complet, ni aussi documenté que le premier, mais il a son intérêt. Les 27 ministres des Affaires étrangères devraient l'adopter lors de leur réunion du 27 octobre, à Luxembourg. Ce plan - qui  reprend, en partie, les idées présentées par Javier Solana, et discutées au Gymnich, ainsi qu'à l’informelle des ministres de la Défense - commence par un état des lieux de la situation avant de faire le tour de ce qu’il est possible de faire en Afghanistan et au Pakistan.

La situation se détériore

Le leurre n'est plus permis sur les 27, selon le document que j'ai pu consulter. « La situation en Afghanistan se détériore. Nous ne faisons pas seulement face à une situation sécuritaire critique. Les progrès sur la réforme politique, la gouvernance et la construction de l'Etat sont trop lents et dans certaines parties du pays, quasiment inexistants. » Mais « l'insécurité en Afghanistan ne pourra pas être résolue par des moyens militaires seuls ». Créer « un cadre pour la stabilité en développant des institutions d'Etat effectives, améliorant la gouvernance, les règles d'Etat de droit et de droits de l'homme et combattre la corruption est aussi important ». Il s'agit d'établir un « gouvernement afghan responsable et réactif ». Alors que les Etats membres européens versent, ensemble, près d’un milliard d’euros par an au pays, l’inaction du gouvernement afghan est pointée du doigt : « En l'absence d'une bonne gouvernance, d'accès aux services essentiels, d'une justice adaptée et de règles de droit, les efforts combinés des Afghans et et de la communauté internationale sur la sécurité, ne produiront pas la stabilité nécessaire politique pour favoriser un développement prospère et sûr. » « Le peuple afghan a besoin de voir leurs propres autorités fournir des améliorations tangibles dans leur vie (quotidienne). Cela seul pourra leur donner une raison d'avoir une réelle confiance dans leur Gouvernement et dans le futur de leur pays. »

Un nouvel engagement

Les 27 veulent aussi réaffirmer que l'engagement de l'UE dans le pays est « à long terme », « une stratégie de transition n'équivaut pas à une stratégie de sortie ». L'UE veut un « accord renouvelé » entre la communauté internationale et l'Afghanistan. Et afin que chacun puisse tâter le pouls de la société afghane, l’UE propose d’organiser la prochaine conférence  internationale sur l’Afghanistan, directement à Kaboul. Un beau défi ! L'Europe veut apporter à l'Afghanistan ce qu'elle sait faire de mieux, comme le renforcement des structures provinciales et locales et de l'administration afghane, le développement du cadre électoral, renforcement du cadre de l'Etat de droit (corruption, drogues, police, justice...), soutien au développement rural (par la mise en place de micro-crédits pour le secteur privé). Elle entend promouvoir une stratégie d'assistance pour renforcer la « capacité du gouvernement afghan » et diriger « autant que possible l'assistance vers le budget central du gouvernement afghan », et appelle « les autres donateurs, en particulier, les USA, à adopter le même chemin ».

Une seule tête de l'UE à Kaboul

La communauté internationale aussi doit mieux se coordonner concèdent les 27. Première décision, l’UE aura désormais, à Kaboul, un seul responsable pour tous ses services présents dans le pays qu'il s'agisse de ceux de l'UE (police) ou de la Commission européenne (humanitaire, développement, justice). NB : Cette pratique du "double-hatting" ne concerne cependant pas les Etats membres qui conservent leur ambassade dans la capitale.

Achever le déploiement de la mission européenne de police (EUPOL)

Alors que l’objectif était d’avoir 400 personnes, seules 270 sont présentes actuellement. Les volontaires ne se bousculent pas, en effet, au portillon : trop loin, trop dur, pas assez payé, explique-t-on. De nouvelles solutions peuvent être mises en place, par exemple en faisant financer directement par le budget de la PESC les agents détachés et en améliorant les incitations existantes pour le personnel contractuel. Il s'agit aussi de promouvoir le déploiement de différents moyens d'EUPOL dans les provinces. L'UE s'engage à assurer « une coordination maximum avec les autres initiatives qui vont prendre place dans le cadre de la mission d'entraînement de l'OTAN, qui inclut l'initiative à venir de la gendarmerie européenne (EGF) ». Le soutien au LOFTA (Law and Order Trust Fund Afghanistan) qui permet de prendre en charge les frais de fonctionnement de la police nationale
afghane « doit continuer ».

Un réseau d'expert civils

Les Européens proposent de mettre en place une formation des fonctionnaires dans des sujets phares comme le budget, la planification. Basé sur l'expertise européenne, l'UE veut mettre en place un réseau d'experts disponible, basé sur les bases de données des Etats membres, qui pourraient être déployées dans un délai rapide en Afghanistan selon les besoins. L'UE entend aussi soutenir le processus de réintégration des éléments de l'insurrection - avec à la clé formation, emploi civil et soutien au développement rural - en mettant en place un "trust fund" conjoint de multi-donateurs.

Stratégie séparée au Pakistan

La stratégie pour l'Afghanistan doit s'accompagner d'une stratégie, différente, pour le Pakistan, le stabiliser de façon démocratique. L'UE entend ainsi développer sa stratégie de développement du Malakand (notamment en déployant des experts capables d'aider à absorder l'assistance financière internationale et à gérer l'assistance au développement et à la reconstruction), renforcer sa coopération dans le secteur de la réforme du secteur de la sécurité et de l'Etat de droit (en fournissant des experts pour la justice,  entraînement et matériels pour la police, aide à la définition d'une stratégie de sécurité/anti-terrorisme), promouvoir la démocratie et les droits de l'homme, encourager la coopération dans la prolifération nucléaire, et favoriser le développement socio-économique (avec notamment la mise en place d'un "trust fund" géré par la Banque mondiale pour le Balochistan et les zones tribales du FATA).

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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