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L’odyssée des SAS à Benghazi fait flop !

Le siège du SiS / Mi6 à Londres (crédit : SIS)

Ce devait une mission secrète destinée à s'enfoncer dans le territoire libyen dans un but qui reste flou. Mission dont s'acquitte, d'ordinaire, fort bien les troupes d'élite des SAS sans qu'on le sache. Mais celle-là a tourné court...

Car débarquer d'un hélicoptère, dans la nuit, quelques hommes dans une zone où les rebelles sont à cran et redoutent une attaque, n'est pas du plus pur effet de discrétion. Les 7 SAS et l'officier du MI6 (et non un diplomate) sont appréhendés, jeudi, en compagnie d'un autre civil (un autre agent du MI6 apparemment qui résidait sur place) qui était administrateur dans une ferme près de Benghazi et devait assurer leur réception. Les paysans sont intrigués, des jeunes armés arrivent et entourent les forces d'élite. Ils n'ont à leur compteur que peu d'heures de vol en termes de combat par rapport aux SAS. Mais la tension monte d'un cran quand les Libyens découvrent que les hommes qui se disent sans armes disposent, en fait, d'armes et des munitions. De plus, il disposent de passeports de quatre nationalités différentes, ainsi que le décrivent les médias outre-manche. Bref de quoi justifier quelques jours au trou, comme dans n'importe quel pays du monde, histoire d'éclaircir le sujet, puis une expulsion... (lire également certains détails dans The Guardian et le commentaire d'un ancien ambassadeur dans The Telegraph)

Mais il est dit que les Britanniques doivent boire le calice jusqu'à la lie. La conversation entre l'ambassadeur britannique en Libye, Richard Northern, et le porte-parole du leader de l'opposition, Mostafa Jalil, dans lequel le premier s'excuse auprès du second de ce "malentendu", est captée par les services libyens et retransmise sur la télévision d'Etat, dimanche. On y entend un ambassadeur britannique, bien embarrassé, qui ne sait à quel saint se vouer et à quelle branche se raccrocher pour justifier l'expédition de ses pieds nickelés. On le comprend. Ecoutez !

William Hague, le chef du Foreign Office, reste plus disert devant la Chambre des Communes lundi (7 mars) devant les attaques de députés d'opposition. Il s'en tient à une version officielle (*), qui semble bien "irréelle" : les forces d'élite accompagnaient une mission diplomatique pour prendre contact avec les opposants au colonel Kadhafi et il fallait assurer leur sécurité. Mais aucune explication sur la raison de ce débarquement ni sur les multiples passeports (lire le compte rendu de la Chambre des communes). C'est effectivement une drôle de méthode pour prendre contact avec les autorités de l'opposition constituée, alors que la ville de Benghazi semble facilement accessible par route (via l'Egypte) ou par mer. Le navire de sa Gracieuse majesté, le HMS Cumberland est d'ailleurs un habitué de ses quais ces derniers jours. Et le patrouilleur italien, Libra, y a accosté récemment. Ils n'auraient pas voulu se faire prendre qu'ils ne se seraient pas pris autrement...

Avec les trois militaires néerlandais arrivés par hélicoptère et "serrés" par une unité de l'armée de Tripoli, et l'aventure des SAS pieds nickelés du coté de l'opposition, sans oublier l'équipe du GIGN, sensée accompagner un convoi "humanitaire" français en Libye, qui a dû déposer ses armes faute d'avoir demandé une autorisation préalable, cela commence à faire beaucoup !

(*) Version officielle : "I can confirm that a small British diplomatic team has been in Benghazi. The team went to Libya to initiate contacts with the opposition. They experienced difficulties, which have now been satisfactorily resolved. They have now left Libya. We intend, in consultation with the opposition, to send a further team to strengthen our dialogue in due course. This diplomatic effort is part of the UK's wider work on Libya, including our ongoing humanitarian support.

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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