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Démission du gouvernement Valls. Un anachronisme français ?

(BRUXELLES2) La réaction du Premier ministre, Manuel Valls, comme du président de la République, François Hollande de démissionner le gouvernement... après les déclarations de Arnaud Montebourg, a provoqué la surprise. S'il apparait comme un acte d'autorité "salutaire" en France, il peut sonner pourtant hors des frontières hexagonales un peu comme un anachronisme français.

Un acte pour poser l'autorité

Cette marque d'autorité, très française, un peu napoléonienne, peut apparaitre un peu déplacée par rapports aux faits mêmes et dans une conception moderne de gouvernement. Certes la critique du ministre de l'Economie de la politique économique du gouvernement était vive. Certes elle ne peut être exempte de critiques sur le fonds. Les arguments utilisés — l'Allemagne cause des maux français — apparaissent un peu comme un argument éculé. Et elle n'est pas  exempte d'arrières pensées électoralistes. Mais Arnaud Montebourg est un habitué de ces coups d'éclats destinée à soigner sa carrure politique et qui ont permis jusqu'ici au gouvernement de soigner son aile gauche un peu bousculée par les changements de cap. Elle n'est d'ailleurs pas incongrue dans la bouche d'un dirigeant socialiste et apparait en ligne avec la campagne électorale tenue par Fr. Hollande. Mieux, elle peut apparaître, même, d'une certaine façon, assez conforme avec ce que réclame Paris au niveau européen — un assouplissement du rythme de réduction des déficits — même si les arguments sont légèrement différents.

L'habitude du "silence dans les rangs"

Dans nombre de gouvernements en Europe, si la critique de la politique gouvernementale n'est pas un "sport national", l'expression de sensibilités, d'opinions différentes sur la politique à suivre par le gouvernement n'est pas exceptionnelle, surtout dans les gouvernements en coalition. Le "champion" de la diversité d'opinions demeure en la matière certainement la Belgique. Le gouvernement formé d'une demi-douzaine de partis est assez élastique sur les points de vue. Et il n'est pas rare de voir un membre du gouvernement exprimer des vues différentes voire remettre en cause carrément une décision gouvernementale. On l'avait vu dans le passé sur l'arrêt du nucléaire, on l'a vu plus récemment sur les survols de Bruxelles. Même en Allemagne, où l'habitude de discipline est sans doute plus forte, on a pu entendre des points de vue très divers, parfois au sein d'un même parti, sur l'attitude à prendre avec l'Euro, la Grèce. Du coup, la "discipline" à la française du genre "silence dans les rangs", illustré dans le passé par JP Chevènement — un ministre ca ferme sa gueule ou çà démissionne - fait ainsi un peu "tâche".

La fin de la majorité

L'acte d'autorité pris par François Hollande s'il pourra satisfaire certains partisans à court terme, révèle ainsi une majorité de plus en plus courte. Le gouvernement de Manuel Valls avait déjà perdu l'allié écologiste. Il est en train de perdre une certaine partie du PS, qui ne peut se réduire à son aile la plus gauchiste. A un moment on ne peut plus symbolique. En septembre, le gouvernement va perdre la majorité absolue qu'il avait au niveau national. Selon toutes les projections, le Sénat devrait repasser, en effet, à droite. L'acte d'autorité de Manuel Valls va ainsi apparaitre assez vite comme la marque d'une nette faiblesse gouvernementale.

(NGV)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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