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Le passage à vide de l’OTAN durant l’été de la crise afghane. Un sacré retard à l’allumage

(B2) Les langues se délient à l'Alliance. Et on commence à connaitre les raisons du passage à vide de l'OTAN durant le mois d'août et de la crise afghane

Évacuation de Kaboul (US Airforce)

Les longues vacances du secrétaire général

Durant l'été, jusqu'au 13 août, il n'y a eu aucune réunion du conseil de l'Alliance atlantique Nord (le NAC dans le jargon), qui regroupe au jour le jour les ambassadeurs des 30 pays membres. Pour une seule et unique bonne raison. Jens Stoltenberg, le secrétaire général, comme son adjoint, le Roumain Mircea Geoană, étaient en vacances, dans leurs pénates, loin de Bruxelles. Ils ne sont revenus au siège de l'OTAN qu'au dernier moment. Or, sans le numéro 1 ou le numéro 2 de l'Alliance, pas de réunion possible du NAC. Résultat : ce rouage essentiel de l'Alliance est resté inemployé jusqu'au 13 août. Et à ce moment-là, il était déjà trop tard. Washington avait déjà donné le 'la' du retrait.

Le retard à l'allumage des ministres

Il ne faut pas s'étonner ensuite qu'aucune réunion des ministres de la Défense de l'Alliance n'a été déclenchée. Certes leurs collègues des Affaires étrangères se réuniront (lire : Les ministres de l’OTAN inquiets, supplient les USA de rester plus longtemps). Mais après la bataille (le 20 août !)... Et après leurs homologues de l'Union européenne (le 17 août, lire : L’Europe prête à parler aux Taliban pour gérer l’urgence. Mais pose ses conditions). C'est dire l'ampleur du retard.

Les Américains en transition

Il faut ajouter à cela l'absence américaine. Il n'y a toujours pas d'ambassadeur américain en titre à l'Alliance. Faute d'accord à Washington. La nommée Julianne Smith vient juste d'obtenir l'aval de commission sénatoriale des relations étrangères, mais pas encore du Sénat dans son entier. Cet été, il n'y avait donc pas "vrai patron" à l'Alliance. Et cette absence a pesé.

Une défaillance politique

Aucun réel débat n'a eu lieu à l'Alliance sur le départ de l'Afghanistan. Les Européens ont été « informés » de la décision américaine. Mais il n'y a pas eu de réelle « consultation », au sens d'un partage de l'information, puis d'une négociation. Idem pour la mise en œuvre du retrait, qui « n'a pas été concertée ». Et personne — à notre connaissance — n'a vraiment demandé expressément ce débat (y compris ceux qui se sont plaint après). Résultat : « l'accélération du calendrier n'a jamais été discutée ».

Résultat un bon gros capharnaüm

La machine à planifier de l'Alliance s'est alors enrayée dans le sable. Même pour ce qui était évident. « Aucune liste des Afghans ayant travaillé pour l'OTAN à évacuer n'existait ! [...] On se demande ce qu'a fait l'état-major de l'Alliance », s'interroge à haute voix un connaisseur. Le QG à Mons (Shape), dirigé par l'Américain Ted Wolters (adjoint : le Britannique Tim Radford), qui a un effectif bien fourni, était-il lui aussi en vacances ? En tout cas, la coordination de l'opération s'est faite surtout à coups de messages Whatsapp entre ministres, si on en croit la ministre française des Armées, Florence Parly (lire : Soit l’Europe fait face, soit l’Europe s’efface).

Une défaite politico-militaire

Le résultat est à la mesure : une opération de retrait qui a été un succès, mais une déroute en rase campagne pour la machine politico-militaire de l'Alliance (1). La remise à zéro des compteurs dans le cadre du retour d'expérience engagé lors de la ministérielle défense jeudi (21 octobre) devra être rude si on veut en tirer des leçons pour l'avenir...

(Nicolas Gros-Verheyde)

  1. On entend par là le niveau stratégique de l'Alliance. Au niveau tactique la coordination a bien fonctionné de l'aveu de tous les militaires et politiques consultés.

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Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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