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[Maroun Labaki] Mon cœur saigne pour Beyrouth

(B2) Un très beau texte d'un confrère belge, d'origine libanaise, un an après l'explosion dans le port de la capitale libanaise, qui a mis à genoux des milliers de familles... et l'État libanais

Ce 4 août, mon cœur saigne pour Beyrouth. Je suis né au Liban, et c’est dans ses montagnes que plongent mes racines. C’est dans ses pinèdes que logent mes doux souvenirs d’enfant. C’est sur sa ligne de fracture entre l’Orient et l’Occident que j’ai appris que nous sommes tous différents et tous les mêmes. J’ai été nourri à sa diversité.

Longtemps, les Libanais m’ont irrité, à toujours lier leurs malheurs à de supposées interférences étrangères, à toujours rejeter la faute sur leurs voisins. Trop facile. On ne bâtit pas un État sur des combines. Un jour, on finit par payer.

Mais les Libanais ont trop payé pour leurs erreurs. Depuis près de deux ans, mais surtout depuis l’explosion au port de Beyrouth du 4 août 2020, les Libanais ont plongé dans la misère. La livre libanaise ne vaut plus rien, plus personne n’a accès à son épargne, il n’y a plus de médicaments, il n’y a plus d’essence, il n’y a plus d’électricité. Imaginez juste ma maman - qui n’est pas la plus mal lotie.

Le pays est parti en vrille, mais depuis un an la classe politique ne parvient pas à former un gouvernement ! Chacun tient l’autre par la barbichette, et tous ses sombres cleptomanes craignent par-dessus tout le grand déballage de leurs ignominies. Ils soufflent donc sur les braises confessionnelles dans l’espoir d’enfumer encore longtemps le peuple…

Le peuple a cependant grandi dans l’épreuve. Que s’est-il passé il y a exactement un an ? Qui connaissait l’existence de cette bombe à retardement au milieu du port de Beyrouth ? Les Américains affirment que seules 500 tonnes de nitrate d’ammonium ont explosé. Où sont alors passées les 2.250 autres tonnes de la cargaison débarquée on ne sait trop comment en 2013 ? Le Hezbollah a-t-il fait main basse sur ce trésor, en tout ou en partie, afin de renforcer son arsenal ? L’a-t-il aimablement cédé à son allié Bachar el-Assad ? Ce n’est pas faire injure aux chiites de poser ces questions ! Les Libanais, chiites compris, ont le droit de savoir. La classe politique libanaise, quasiment dans son ensemble, s’est pourtant appliquée à torpiller l’enquête… Un scandale dans le scandale !

Les magouilles, la corruption, le clientélisme, l’incurie, la spéculation, l’économie-casino : les Libanais veulent aussi savoir qui a volé leur argent, qui a piloté ce désastre annoncé. Peut-on dans ce contexte faire l’économie d’une rupture institutionnelle ? J’en doute plus que jamais. Ne pourrait-on, ici ou là, invoquer le droit d’ingérence ? On n’est pas loin en tout cas de la non-assistance à peuple en danger. SOS Beyrouth. SOS Liban.

Maroun Labaki

Rédaction de B2

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