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Frappe aérienne à Bounti. Aucun dégât collatéral affirment Maliens et Français (v2)

(B2) Les armées française comme malienne démentent toute bavure à Bounti, le 3 janvier. Elles affirment ne pas avoir frappé les témoins d'un mariage, mais plutôt un groupe terroriste, non loin de là

Le camp de Bounti est situé non loin de la RN16 et Hombori, lieu de nombreux IED (fonds: OpensStreetMap)

Selon l’organisation de la jeunesse peul, Tabital Pulakuu, des frappes auraient touché un mariage célébré dimanche (3 janvier) dans le village de Bounti, comme le relate la radio RFI avec mille précautions. Une vingtaine de victimes seraient recensées. Mais la confusion règne sur le bilan, comme sur le mode d'action, et l'auteur de l'attaque.

Le ministère français des Armées a publié un communiqué ce jeudi (7.1), en fin de soirée (juste avant 23h) précisant les circonstances de la frappe, confirmant pour partie des éléments déjà donnés par les forces armées maliennes (FAMa) la veille (6.1).

L'opération 'Eclipse'

Une opération conjointe FAMa-Barkhane

L'opération conjointe réunit les forces armées maliennes (FAMa), la force conjointe du G5 Sahel et la force française Barkhane dénommée « Eclipse », selon les Maliens. Elle a pour cadre une zone du centre Mali, caractérisée par la présence et l’action de groupes armés terroristes (GAT), notamment « des éléments de la katiba SERMA » dans la région de Douentza, « un kilomètre au nord du village de Bounti ».

Un centre d'entrainement et de confection d'IED

Le groupe dispose d’emprises logistiques. Ce que les Maliens appellent des Merkaz : des centres d'entrainement ou ateliers de confection d’engins explosifs improvisés (IED) ; ces IED que les groupes viennent poser sur la RN16 tout près entre Douentza et Hombori et qui frappent notamment les militaires français ou maliens. Trois Français ont été tués juste après Noël (lire : Trois militaires de Barkhane décèdent dans un IED).

Une opération en sept étapes

Pour les militaires, l'opération menée dimanche (3 janvier) dans l’après-midi, est assez classique.

1° Elle s'appuie sur « une manœuvre renseignement s’étalant sur plusieurs jours ».

2° Dans cette zone, plus d’une heure avant la frappe, un drone REAPER « détecte une moto avec deux individus au nord de la RN16 ». Le véhicule a ensuite « rejoint un groupe d’une quarantaine d’hommes adultes dans une zone isolée ». Les Maliens donnent un chiffre légèrement plus élevé. Ils parlent d'une « cinquantaine d'individus » qui commencent à se rassembler vers 11h. Vers 13h, ces éléments de la katiba Serma, « vêtus de la même façon », forment « trois groupes ».

3° L’ensemble des éléments renseignement et temps réel permettent alors de « caractériser et d’identifier formellement ce groupe comme appartenant à un GAT ». « Compte tenu du comportement des individus, des matériels identifiés ainsi que du recoupement des renseignements collectés », une frappe (aérienne) est alors décidée.

4° L’observation de la zone « pendant plus d’une heure et demie » a également permis « d’exclure la présence de femmes ou d’enfants ».

5° Une patrouille d’avions de chasse (NB : Mirage 2000) - déjà « en vol » reçoit alors l'ordre « de procéder à une frappe ciblée à 15h00 locale ». La frappe se fait par « trois bombes » et est « localisée en 30 PWB 4436 83140, à « plus d’un kilomètre au nord des premières habitations de Bounti ». Il s’agit d’un « espace ouvert et semi-boisé ».

6° Au bilan, « une trentaine » de 'terroristes' sont « neutralisés ».

7° Vers 17h (locales), un groupe de villageois et d'hommes armés en véhicule pickup et motos arrivent sur le site et procèdent à l'inhumation des morts, selon les FAMa. « Les blessés sont récupérés par les pickup et motos, avant de partir dans des directions différentes. » Les rescapés occupent les hauteurs avec jumelles et postes talkies-walkies.

Une opération conforme aux règles des conflits armés

L'opération « a été conduite conformément aux principes de ciblage en vigueur, dans la stricte application du droit des conflits armés », précisent les Français.

Pas d'hélicoptère engagés

La frappe a aérienne était « unique ». « Aucun hélicoptère n’a été engagé au cours de cette action de combat », contrairement aux allégations. Les éléments « disponibles, qu’il s’agisse de l’analyse de la zone avant et après la frappe, comme de la robustesse du processus de ciblage, permettent d’exclure la possibilité d’un dommage collatéral ».

Aucun dommage collatéral

Les « allégations consécutives à la frappe » sur un mariage relèvent « de la désinformation » conclut l'état-major français des armées. « Aucun dommage collatéral, aucun élément constitutif d’un rassemblement festif ou d’un mariage n’a été observé. » Aucune femme ni enfant n'étaient présents ni visés.

Commentaire : ces éléments précis lèvent le doute sur la nature et le bilan de la frappe aérienne. En revanche, ils n'aident en rien à éclaircir ce qui est arrivé sur le mariage de Bounti. La présence d'un hélicoptère (solitaire) prête à interrogation également. Ces engins volant généralement par paire. Une enquête de la MINUSMA est diligentée. Tant que les faits de Bounti ne seront pas élucidés, restera un doute sur l'action des armées française et malienne.

(mis à jour) mission terrestre

Une mission terrestre composée de militaires de la Force Barkhane s’est rendue vendredi (8.1) sur les lieux de la frappe française au nord du village de Bounti. Les éléments recueillis au cours de cette mission sont « en tous points conformes à l’analyse et l’évaluation de situation produites jusqu’à présent », indique l'état-major des armées.

(NGV)


Plusieurs blessés grièvement blessés soignés par MSF

De son côté, Médecins sans frontières confirme avoir soigné, en début de semaine, plusieurs patients grièvement blessés des villages de Bounti et Kikara, à son centre de santé de référence de Douentza. Les patients, « pour la plupart des hommes âgés, ont été blessés par des explosions, des éclats de métal et des blessures par balle ». L'ONG qui n'était pas présente dans la zone au moment des événements, n'est « pas en mesure de confirmer les circonstances exactes de ces incidents, autour desquels il y a encore beaucoup de confusion ».

Mis à jour nuit vendredi 8 à samedi 9.1

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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