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Entre consternation et condamnation, les Européens atterrés par ‘l’insurrection’ au Capitole à Washington (v4)

(B2) L'irruption de manifestants au sein du Capitole, mercredi (6 janvier) au moment du vote de confirmation de l'élection de Joe Biden à la présidence américaine par le Sénat, atterre les dirigeants européens

(crédit : BBC)

De toute l'Europe, les réactions sont arrivées rapidement, d'autant plus dures qu'elles provenaient de personnes plutôt atlantistes. Les propos de l'ancien commandant en chef de l'OTAN (SACEUR), l'amiral US James Stavridis, comme du secrétaire général de l'Alliance atlantique Jens Stoltenberg sont particulièrement intéressants. Car ils reflètent assez bien la stupeur dans les milieux diplomatico-militaires.

Quelques dirigeants (Allemagne, Pays-Bas, Suède...) ont nommément mis en cause le président actuel Donald Trump, l'appelant à prendre des mesures. D'autres (Autriche, Royaume-Uni, Tchéquie,...) l'ont fait de façon implicite exigeant un transfert de pouvoir dans l'ordre). Certains (Belgique, Luxembourg) ont préféré afficher un soutien sans ambiguité à Joe Biden.

Les dirigeants européens les plus ardents supporters de Trump tels le Bulgare Boyko Borissov, le Hongrois Viktor Orban ou le Polonais Mateusz Morawiecki se sont abstenus de réagir, comme embarrassés. À noter une fausse note à Varsovie. Où le président polonais a réagi de façon très ambigüe, à rebours du ton général, sur le mode non interventionniste, comme faisant référence aux critiques européennes sur l'État de droit. En revanche, le Slovène Janez Jansa (qui a aussi affiché sa sympathie avec Donald Trump) s'est dit troublé par les violences.

Dans ce concert, la réaction des institutions européennes apparait plutôt faiblarde. Les propos de Ursula von der Leyen notamment sont d'une platitude désarmante face à des actes qualifiés « d'insurrection » ou de « sédition » (selon les propos du président élu Joe Biden) voire même de tentative de coup (d'état) par des élus démocrates comme certains républicains. Ceux de Charles Michel (Conseil européen) sont un peu plus évidents. Les mots de Josep Borrell ou de David Sassoli sont finalement les plus clairs et plus adaptés à la situation.

NB : A l'heure de boucler cet article aucune réaction n'était venue du couple franco-allemand. Emmanuel Macron (France) a réagi tard dans la nuit par un message vidéo. Angela Merkel (Allemagne) a réagi plus tard de manière similaire dans la matinée.

Une démocratie américaine assiégée

« Scènes choquantes à Washington D.C. Le résultat de cette élection démocratique doit être respecté. » Jens Stoltenberg (secrétaire général de l'OTAN)

« Je n'ai jamais pensé, au cours d'une longue vie passée opérationnellement dans des zones de conflit, à voir des scènes comme celle-ci à [Washington] DC aux États-Unis. Nos adversaires seront stupéfaits de leur chance de voir cette insurrection - la Russie et la Chine réfléchiront activement à la manière de la prolonger. [...] Il faudra des décennies avant que les responsables américains ne parlent aux responsables étrangers de l'importance d'un transfert pacifique du pouvoir d'élections libres et équitables sans que les horreurs du 6 janvier ne leur soient renvoyées au visage. » James Stavridis, amiral (retraité), ancien commandant suprême allié de l'OTAN de 2009 à 2013.

« Aux yeux du monde, la démocratie américaine apparaît ce soir assiégée. Il s'agit d'une attaque invisible contre la démocratie américaine, ses institutions et l'État de droit. Ce n'est pas çà l'Amérique. Les résultats des élections du 3 novembre doivent être pleinement respectés. » Josep Borrell, chef de la diplomatie européenne (Haut représentant de l'UE).

Les réactions dans les différentes capitales

« Des images horribles de Washington D.C. Cher Donald Trump, reconnaissez Joe Biden comme le prochain président aujourd'hui ! » Mark Rutte (premier ministre Pays-Bas, VVD / ALDE)

« Je suis avec beaucoup d'inquiétude ce qui se passe à Washington. La violence est incompatible avec l'exercice des droits politiques et des libertés démocratiques. J'ai confiance dans la solidité et la force des institutions des États-Unis. » Giuseppe Conte (premier ministre Italie)

« [Je suis] extrêmement troublé par la violence et les événements horribles qui se déroulent à Washington, la démocratie américaine est résiliente, profondément enracinée et surmontera cette crise. » Kyriákos Mitsotakis (premier ministre Grèce, ND / PPE)

« C'est si triste de voir ce qui se passe dans la capitale américaine en ce moment. La démocratie vaincra ! » Ingrida Šimonytė (premier ministre Lituanie / PPE)

« Scènes honteuses au Congrès américain. Les États-Unis sont partisans de la démocratie dans le monde et il est désormais vital qu'il y ait un transfert de pouvoir pacifique et ordonné. » Boris Johnson (premier ministre Royaume-Uni / ECR)

« Choqué par les scènes à Washington, D.C. C'est une atteinte inacceptable à la démocratie. Un transfert de pouvoir pacifique et ordonné doit être assuré. » Sebastian Kurz (premier ministre Autriche, ÖVP / PPE)

« C'est avec une grande inquiétude que je suis le cours des événements à Washington, D.C. Nous assistons actuellement à une attaque contre la démocratie. Le président Trump et de nombreux membres du Congrès ont une grande responsabilité dans ce qui se passe actuellement. Le processus démocratique d'élection d'un président doit être respecté. » Stefan Lofven (premier ministre Suède / S&D)

« Tous devraient être très troublés par la violence qui se déroule à Washington, D.C. Nous espérons que la démocratie américaine est résistante, profondément enracinée et qu'elle surmontera cette crise. La démocratie présuppose une protestation pacifique, mais la violence et les menaces de mort - de gauche ou de droite - sont TOUJOURS fausses. » Janez Janša (premier ministre Slovénie, ECR)

« Les violences contre le Capitole sont une attaque odieuse contre les fondements de la démocratie et la liberté de la presse. Nous avons confiance dans la force du peuple et des institutions américaines pour surmonter ces temps de division et nous nous tournons vers le président élu Joe Biden. » Xavier Bettel (premier ministre Luxembourg, ALDE)

« Choc et incrédulité face aux événements en cours au Capitole américain, symbole de la démocratie américaine. Nous sommes convaincus que les institutions fortes des États-Unis surmonteront ce moment difficile. Soutien total au président élu Joe Biden. » Alexander De Croo (premier ministre Belgique / ALDE)

« Les images violentes de la violation du Capitole à Washington aujourd'hui sont choquantes. Cependant, je suis convaincu que la démocratie américaine et l'État de droit sont suffisamment solides pour résister à toute attaque. » Jüri Ratas (premier ministre Estonie / ALDE)

« Scènes très inquiétantes de Washington DC, je suis convaincu que les institutions démocratiques et les principes de l'État de droit prévaudront. » Edgars Rinkēvičs (ministre des Affaires étrangères letton) retweeté par Krišjānis Kariņš (premier ministre Lettonie)

« L'intrusion de manifestants dans le bâtiment du Congrès est une affaire très grave et préoccupante. Cela montre combien il est important de défendre la démocratie sans trembler. » Sanna Marin (premier ministre Finlande / S&D)

« L'extrémisme, la violence, la polarisation et le chaos ne sont jamais la voie à suivre. Images horribles de Washington. Que la démocratie redevienne opérationnelle ». Mette Frederiksen (premier ministre Danemark / S&D)

« Les ennemis de la démocratie seront heureux de voir ces images incroyables de Washington DC. Les paroles d'émeutes se transforment en actes violents - sur les marches du Reichstag, et maintenant dans le Capitole. Le mépris des institutions démocratiques est dévastateur.  Trump et ses partisans devraient enfin accepter la décision des électeurs américains et cesser de piétiner la démocratie. » Heiko Maas (ministre allemand des Affaires étrangères, SPD / S&D)

« Je suis avec inquiétude les nouvelles qui viennent de Capitol Hill à Washington. J'ai confiance en la force de la démocratie américaine. La nouvelle présidence de Joe Biden surmontera cette période de tension, unissant le peuple américain. » Pedro Sánchez (premier ministre Espagne, PSOE / S&D)

« Je suis avec inquiétude l'évolution de la situation à Washington. Des scènes troublantes. Le résultat des élections doit être respecté, avec un transfert de pouvoir pacifique et ordonné. J'ai confiance dans la force des institutions démocratiques aux États-Unis. » António Costa (premier ministre Portugal / S&D)

« La violence au Capitol Hill à Washington DC est préoccupante et inacceptable. Nous faisons confiance à la démocratie américaine, qui devrait rester un modèle mondial, et exprimons notre confiance que la situation va bientôt se désamorcer afin de permettre la reprise de la certification des votes électoraux. » Ministère roumain des Affaires étrangères.

« Des moments troublants à Washington DC. La violence n'a pas d'excuse. #Capitol est un symbole de la démocratie. Son rôle constitutionnel doit être respecté en tout temps et en toutes circonstances. C'est ce qu'est l'État de droit. » Igor Matovic (premier ministre Slovaquie, OĽaNO / PPE)

« Le peuple irlandais a un lien profond avec les États-Unis d'Amérique, construit au fil de nombreuses générations. Je sais que beaucoup, comme moi, regarderont les scènes se dérouler à Washington DC avec beaucoup d'inquiétude et de consternation. » Micheál Martin (premier ministre Irlande, Fianna Fáil / ALDE)

« Ce qui s'est passé aux États-Unis est une attaque inacceptable et sans précédent contre la démocratie. Quatre vies ont été inutilement perdues et le processus démocratique de base a été perturbé. J'ai toujours condamné la violence et le chaos de ce genre. La transition du pouvoir doit se faire en douceur et de manière pacifique. Je crois fermement que ces incidents doivent cesser. »  Andrej Babiš (premier ministre Rép. Tchèque, ALDE)

Le couple franco-allemand asynchrone

« Ce qui est arrivé aujourd'hui à Washington n'est pas américain. [...] Nous ne cèderons rien à la violence de quelques-uns qui veulent remettre en cause [la démocratie] », a réagi dans un long message vidéo Emmanuel Macron (président français, LREM / ALDE)

« Ces images m'ont rendu furieux et triste. Mais je suis sûr que la démocratie américaine sera beaucoup plus forte que les agresseurs et les émeutiers » a indiqué Angela Merkel (premier ministre Allemagne, CDU / PPE). « Je regrette beaucoup que le président Trump n'ait pas admis sa défaite depuis novembre et encore hier. Les doutes sur le résultat de l'élection ont été alimentés. Cela a créé l'atmosphère nécessaire pour que les événements de la nuit deviennent possibles »

La réaction molle des institutions européennes

« Je crois en la force des institutions et de la démocratie américaines. La transition pacifique du pouvoir est essentielle. Joe Biden a remporté l'élection. Je me réjouis de travailler avec lui en tant que prochain président des États-Unis. » Ursula von der Leyen (Commission européenne).

« Le Congrès américain est un temple de la démocratie. Être témoin des scènes de ce soir dans Washington DC est un choc. Nous faisons confiance aux États-Unis pour assurer un transfert pacifique du pouvoir à Joe Biden. » Charles Michel (Conseil européen).

« Profondément inquiétant, les scènes du Capitole américain ce soir. Les votes démocratiques doivent être respectés. Nous sommes certains que les États-Unis veilleront à ce que les règles de la démocratie soient protégées. » David Sassoli (Parlement européen, S&D).

Ne pas s'en mêler

« Les événements de Washington sont une affaire intérieure des États-Unis, qui sont un État démocratique et de droit. Le pouvoir dépend de la volonté des électeurs, et la sécurité de l'État et de ses citoyens est garantie par les services désignés à cet effet. La Pologne croit en la force de la démocratie américaine. » Andrzej Duda (président Pologne, PiS / ECR)

(Propos rassemblés par Nicolas Gros-Verheyde)

Mis à jour 1H du matin - 7.1 9h et 12h avec propos Macron, Merkel, Babis - et mise en perspective des différents propos et nuances apportées dans le commentaire sur les institutions UE.

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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