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Fonds défense. La Commission européenne refuse de communiquer

(B2) En totale contradiction avec les promesses faites par la Commission von der Leyen, notamment les propos du futur commissaire Thierry Breton dans ses réponses écrites aux eurodéputés, l'exécutif européen refuse aujourd'hui de communiquer la moindre information sur le fonds européen de défense ou du moins ses prémices

Nous avons demandé à l'exécutif européen une chose simple : est-il possible de connaître le nombre de projets qui ont été déposés au titre de l'EDIDP (le programme européen de développement industriel de la défense), et quelques indications statistiques : le nombre d'entreprises/entités qui ont répondu ou nombre par projet, les origines géographiques des demandes.

Toutes des données non nominatives qui ne brisent aucun secret industriel, aucune règle du RGPD, aucune règle de loyale concurrence entre les entreprises, etc. Précisons que le délai de remise des offres est terminé (depuis fin septembre), que toutes ces offres sont désormais enregistrées et organisées, que ces chiffres existent donc bel et bien, et que leur publication n'entrave en aucun la bonne marche des appels d'offres en cours.

La réponse qui vient de nous parvenir est surprenante : « Malheureusement, les informations sur les candidatures sont confidentielles. » C'est surprenant d'une part car cela ne repose sur aucune base juridique autre qu'une règle administrative et, d'autre part, parce que cela est en totale contradiction avec les dires et les promesses des responsables politiques.

Devant la presse, mardi (12 novembre), la vice-présidente de la Commission européenne Federica Mogherini incite les États membres à publier leur fiche budgétaire sur les 47 projets PESCO. Projets qui ont été approuvés et qui, pour certains, pourront bénéficier de budgets européens. Certains ont déjà déposé une offre pour bénéficier d'un financement européen (au titre de l'EDIDP). « Je suis pratiquement certaine qu'au niveau juridique il n'y a pas d'entrave à ce qu'ils publient les incidences budgétaires [...] Il y aura de l'argent européen également. [....] Pour nous, la transparence est essentielle. C'est un maître mot. » (1)

Dans ses réponses aux eurodéputés, le futur commissaire à l'Industrie et la défense, Thierry Breton déclare : « Pour que les citoyens puissent de nouveau croire en l'Union, nos institutions doivent être ouvertes et au-delà de tout reproche sur les questions de transparence. » Il promet également d'informer « régulièrement le Parlement européen des priorités annuelles du FED et de la planification stratégique à long terme » (lire : Les priorités Défense de Thierry Breton. Son engagement de probité. Ses réponses aux parlementaires).

Commentaire : Pour que les déclarations politiques ne restent pas des paroles en l'air, mais trouvent une traduction concrète, l'état d'esprit doit changer. Oui, le secret défense doit être respecté, dans toutes ses dimensions. Et il n'est aucunement question de le remettre en cause. Non, il ne doit pas servir à ne pas répondre sur des points basiques, qui relèvent de la bonne administration, et des financements européens, ou à masquer certaines incuries. C'est une question de crédibilité, de confiance, de pertinence de la politique européenne. Si la Commission von der Leyen veut durer, elle devra changer rapidement le cap.

(Nicolas Gros-Verheyde)

  1. La réponse de Fed. Mogherini vise des projets approuvés pour la PESCO, mais pas au titre des financements européens (EDIDP), avec des fiches budgétaires individualisées et chiffrées. Ce que nous demandons est en-deçà puisqu'il ne s'agit que de statistiques globales.

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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