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La guerre des egos menace la Commission von der Leyen. Un commissaire défense : pas sûr

(B2) L'attelage composant la nouvelle Commission européenne repose sur un équilibre précaire. Et il faudra toute l'habilité de la nouvelle présidente pour éviter qu'il chavire

(crédit : Commission européenne - équipe de transition de U. von der Leyen)

Des egos bien trempés

Entre ceux qui auraient voulu être califes à la place du calife (Frans Timmermans et Margrethe Vestager), ceux qui s'estiment largement plus intelligents que les autres (Sylvie Goulard et Didier Reynders), plusieurs 'petits' nouveaux qui débarquent, sans oublier l'ancien Premier ministre italien Paolo Gentiloni, qui est un des 'vrais' poids lourds de cette Commission, il pourrait y avoir très vite une guerre des tranchées, d'autant que les portefeuilles avec un pouvoir réel économique, que guignent tous les États membres, ne sont pas légion.

Gare à la tentation du minage

La nouvelle présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen aura besoin de tout son tact et son autorité pour éviter que ces spécialistes de la sphère bruxelloise ne lui taillent des croupières par derrière. Ceux qui prennent l'ancienne ministre de la Défense pour une douce pourraient rapidement déchanter. Gare à ceux qui s'aviseraient de saper son autorité ou vouloir mener leur propre politique (à coups de fuites ou de petits mots). Dès mercredi matin, tout le collège des nouveaux commissaires part d'ailleurs en séminaire, histoire de faire du 'team building' et recevoir tous ensemble les consignes de leur nouvelle cheffe.

Un commissaire défense ou pas

La Commission européenne versus von der Leyen osera-t-elle mettre en place un commissaire dédié explicitement à la défense ? Rien n'est moins sûr selon certains éléments.

Une symbolique...

La tentation était forte au sein de l'exécutif européen avant l'été d'avoir un commissaire dédié à la défense ou au moins d'avoir la défense dans l'intitulé de ses fonctions. Dans la foulée de la mise en place du fonds européen de défense (FEDef) — la nomination d'un commissaire qui ait au moins dans l'intitulé de sa fonction la défense avait une certaine logique.

... contrecarrée par quelques sérieux arguments

Mais d'autres arguments pèsent en faveur d'une plus grande discrétion. Inutile de faire de provocations supplémentaires des Américains, sourcilleux sur le pouvoir de l'OTAN, méfiants vis-à-vis des initiatives européennes telles que la Coopération structurée permanente (PESCO) ou le Fonds européen de défense (FEDef). Au niveau intérieur, à droite comme à gauche il existe aussi quelques préventions sérieuses contre ce changement. Gauche et Verts auraient un argument sérieux contre la 'militarisation' de la Commission européenne. Les souverainistes et partisans d'une limitation des pouvoirs de la Commission auraient beau jeu d'arguer que la défense est une compétence 'pure' des États membres et que l'exécutif européen ne doit mettre son 'oeil dans la marmite'. Alors que le Fonds européen de la défense n'est pas encore adoubé définitivement, que les gains acquis ces dernières années sont encore fragiles et demandent à être confirmés, une trop nette affirmation pourrait se révéler contre-productive.

(Nicolas Gros-Verheyde)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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