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Londres veut une force ‘européenne’ de protection maritime dans le Golfe. Les Français répondent présent

(B2) Le ministre britannique des Affaires étrangères Jérémy Hunt vient de l'annoncer, ce lundi (22 juillet). Le Royaume-Uni va lancer dans le Golfe une « force maritime conduite par les Européens » (European-led maritime) afin de protéger les navires traversant le détroit d'Ormuz contre d'éventuelles attaques 'de piraterie' (aka des forces iraniennes)

Le HMS Duncan va participer à la force européenne de protection dans le Golfe (crédit : Royal Navy - Archives B2 - juin 2019)

Une montée en puissance lente

La présence va être renforcée peu à peu. Aux côtés du HMS Montrose (F-236), une frégate de type 23 déjà sur place, la Royal Navy a envoyé sur place le HMS Duncan (D-37), un destroyer de Type 45 qui devrait être sur zone dans quelques jours, d'ici « le 29 juillet ». Ce sera la « première étape dans ce processus de montée en puissance ». Objectif : protéger les navires battant pavillon britannique (tankers pétroliers, transporteurs de gaz liquéfié, cargos...) naviguant dans le détroit d'Ormuz. Jérémy Hunt a tenu cependant à avertir que cet effort n'était pas militaire. « Nous faisons cela, non pour accroître la tension, mais parce que nous estimons que la liberté de navigation est importante. Ce que nous recherchons est la désescalade. »

Une force européenne, la France répondra présent

« La coalition proposée sera placée sous le leadership européen » a précisé Jérémy Hunt. Plusieurs pays ont été contactés pour participer à cette force, dont le format n'est pas précisé exactement. La France et l'Allemagne notamment a précisé le ministre britannique, ayant indiqué avoir parlé avec ses homologues Jean-Yves Le Drian et Heiko Maas. Les Pays-Bas et la Norvège — deux pays avec une industrie pétrolière — auraient aussi été contactés selon nos informations. La France répondra présent. La ministre de la Défense française Florence Parly l'a assuré ce lundi après-midi après un entretien téléphonique avec son homologue britannique Penny Mordaunt. Il y a une « pleine solidarité » entre la France et le Royaume-Uni « alors qu’un pétrolier britannique est toujours retenu par l’Iran ». « La liberté de navigation dans le Golfe est un enjeu majeur de sécurité pour les Européens » a-t-elle indiqué. « Nous souhaitons travailler ensemble à la garantir. »

Une force bien distincte de l'effort américain

Cette force agira en coordination avec les autres forces, notamment américaines, présentes dans la zone. « On ne peut pas exclure les Américains. Nous agirons en coordination avec eux ils ont des moyens de ravitaillement en mer ou d'information » qui sont utiles à l'opération. Mais cette force sera bien distincte. Le chef de la diplomatie britannique a tenu cependant à le préciser devant la Chambre des communes, il ne s'agit pas pour les Britanniques de s'associer aux efforts américains en cours visant à briser l'Iran. « Cela ne fait pas partie de l’effort maximum des Américains sur l’Iran, car nous sommes engagés dans l’accord sur le nucléaire iranien. »

Des règles d'engagement élaborées

Les règles d'engagement sont en cours d'élaboration, mais le ministre n'a pas tenu devant la chambre à en donner tous les détails. Les navires marchands devront aussi faire un effort pour accroître leur sécurité. « On pourra pas assurer un risque zéro, mais on pourra le réduire. » Tous les navires battant pavillon britannique transitant par le détroit d'Ormuz devront ainsi communiquer la date de leur passage pour « nous permettre d'offrir la meilleure protection possible ». D'autres mesures pourraient aussi être nécessaires.

Un élément doublement stratégique

Ce lancement est intéressant. On avait connu des Britanniques beaucoup plus atlantiques et moins européens. Aussi quand Jérémy Hunt, un ministre tory bon teint, annonce une « European-led maritime force », menée en « coalition » (1) on se pince presque pour se dire qu'on ne rêve pas. Même le plus audacieux Européen n'aurait jamais imaginé une situation où Londres réclame une opération 'européenne' (lire article séparé)

Une campagne en cours

N'oublions pas cependant un élément principal : Jérémy Hunt est en campagne actuellement pour briguer le poste de chef du parti conservateur et dans le même temps celui de Premier ministre. Il a intérêt à la fois à durcir le ton, mais aussi à affirmer sa différence avec Boris Johnson sur un point essentiel : la coopération avec l'Europe. En défendant la mise en place d'une force européenne dans le détroit d'Ormuz, il affirme sa détermination. En la plaçant sous l'emblème de l'Europe, il affiche la nécessité d'avoir une approche plus mesurée qu'un hard deal. Car, dès aujourd'hui, les Britanniques peuvent avoir et auront besoin des Européens.

Un besoin d'Europe

Soyons clairs. Même dynamique, la flotte britannique ne suffira pas à assurer la protection des navires soit battant pavillon britannique, soit propriété ou armés par une compagnie britannique. Il faut une coalition d'Européens pour assurer une sécurisation du détroit. Au passage, cela permet à la marine britannique de retrouver un rôle et une mission de premier plan, depuis qu'elle ne participe plus ni à la force anti-piraterie de l'UE déployée dans l'Océan indien, ni dans les opérations en Méditerranée. Le QG d'opération de Northwood va pouvoir ainsi retrouver une vocation maritime qu'il avait perdue avec le départ de l'opération EUNAVFOR Atalanta pour un QG espagnol (pour cause de Brexit).

(Nicolas Gros-Verheyde)

(1) Un terme courant outre-Manche pour désigner les opérations de l'Union européenne sans mentionner celle-ci. En l'espèce, il n'est pas vraiment clair si le Royaume-uni veut placer cette force sous le commandement des structures européennes.

Article modifié en développant aspects de commentaires dans un article séparé

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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