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Entretiens : OTAN, USA-UE, PESCO, Fonds européen de défense, opérations…

(B2) Une défense européenne qui avance avec de nouveaux instruments, l'Alliance atlantique qui fait débat, des partages d'expérience sur l'engagement opérationnel européen... Retour sur une journée d'échanges lors des entretiens européens de la défense, à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne le 16 mai

Les deuxièmes entretiens européens de la Défense - Panthéon-Sorbonne © NGV / B2

Les nouvelles initiatives européennes

Un besoin de volonté politique des États

« Dans les critères du succès [des instruments européens de la défense], étant donné que la Commission sera un facilitateur, notamment pour la partie capacités, on aura besoin de volonté politique des États, d'efficacité, et de ne pas retomber dans certaines erreurs du passé où chaque État avait ses spécificités nationales et où on avait énormément de mal à avoir des structures de programme efficaces, et surtout avec des spécifications communes. » — Nathalie Errard (Airbus).

Une PESCO inutile

La coopération structurée permanente (PESCO) « n’est tout au plus qu’un accélérateur de coopération, « modulaire » et « inclusive » : on fait ce que l’on veut, avec qui l’on veut, comme on veut. C’est toujours la même coopération, sans plan directeur, que l’on faisait déjà à l’AED [Agence européenne de défense) ou à OCCAR. » — Frederic Mauro (avocat au barreau de Paris et de Bruxelles).

Des investissements sous-dimensionnés

« Plus on se numérise, plus on se vulnérabilise. [La cybersécurité] est un défi majeur. Ce qui compte dans ce domaine, c'est l'innovation, et l'innovation, cela part des start-ups. Or nous sommes écrasés. L'investissement américain dans les start-ups de sécurité/cyberdéfense en 2018 était de plus de trois milliards de dollars. L'investissement européen ? Moins de 500 millions de dollars. L'Europe doit se réveiller dans ce domaine. » — Jean-Louis Gergorin (JEDI).

Le jeu inégalitaire au sein de l'Alliance

Le commerce prisme principal du président US

« Pour Donald Trump [le président américain], la seule question, c’est la question commerciale. Donc, si on revient à la question d’autonomie stratégique européenne, [il y a deux tâches] : [1°] réussir à assurer les missions de la politique de sécurité et de défense commune et [2°] commencer à prendre conscience qu’il faudra peut-être dans le futur être capable d’agir de manière autonome, non pas pour mettre Américains dehors, mais simplement parce que les Américains ne seront plus nécessairement là. — Jean-Pierre Maulny (IRIS).

Une Alliance protectorat

« Ce n’est plus une Alliance, c’est un protectorat. Les Européens achètent leur protection avec des dollars sonnants et trébuchants. » — Frédéric Mauro (avocat au barreau de Paris et de Bruxelles).

Une distanciation plus grande entre les deux bords de l'Atlantique

« Il faut avoir ce débat entre Européens sur l'évolution de la politique américaine et ce que cela implique. Sachant que 1) Donald Trump a de bonnes chances d'être réélu l'année prochaine [...] et que 2) même si les Démocrates reviennent au pouvoir, on aura toujours cette distanciation de plus en plus grande entre les États-Unis et l'Union européenne [...]. Ce n'est pas un débat défense. Il faut que ce soit plus large. » — Jean-Pierre Maulny (IRIS).

Un écart considérable de dépenses qui s'accroit

« Les États-Unis, c'est deux tiers des budgets [de défense] de l'OTAN, et si on regarde les capacités du spectre, on peut considérer que les Américains [représentent] 80 à 85% des capacités réelles du bloc occidental. Il y a un écart absolument considérable. Et j'ai tendance à penser qu'il s'est accru ces dix dernières années. Les Américains ont anticipé, avec une véritable révolution des affaires militaires sur l'intégration spatiale, cyber... On sous-estime très largement cet écart au niveau européen. » — général de brigade Bertrand Toujouse, direction Euratlantique, à l'état-major des armées (France).

Pas une préoccupation permanente pour les Américains

« [L'OTAN], ce n'est pas une préoccupation permanente pour les Américains ! L'OTAN, c'est un 'machin' de 29 pays où il faut obtenir le consensus, expliquer ce que l'on fait - ils [les Américains] n'aiment pas forcément ça - et accepter que les autres aient leur voix et puissent émettre des opinions différentes. Ce n'est pas comme ça qu'on vend des F-35 ou qu'on impose quoi que ce soit. » — Jean-Paul Palomeros, ancien chef d’état-major de l’armée de l’air française et chef de l'ACT de l'OTAN (Supreme Allied Commander for Transformation)

USA et Brexit questionnent la nature du projet européen

« Le Brexit et les États-Unis poussent les Européens à faire un choix de fond qui est de nature existentielle sur ce qu’est la défense européenne. Si la défense européenne est perçue comme une initiative visant seulement à renforcer la coopération politico-militaire des États membres, alors pourquoi ne pas garder les Britanniques dans le processus décisionnel ? Si par contre, on la perçoit comme un instrument au service d'un projet politique plus vaste, alors la présence de Londres dans la salle des commandes devient un problème. » — Federico Santopinto (GRIP).

Les opérations européennes

Un vrai engagement opérationnel européen

« Aujourd'hui, les Européens sont beaucoup plus engagés en opérations qu'on ne le dit souvent. Au total, c'est de l'ordre de 34,000 soldats engagés. C'est quasiment la troisième armée expéditionnaire au monde. » — général de brigade Bertrand Toujouse, direction Euratlantique, à l'état-major des armées (France).

Retour sur EUFOR Tchad 2008-2009

« En Afrique, en tous les cas, il y a une question d'image. C'est parce que nous arrivions avec une force dite européenne que nous avons pu nous installer au Tchad et en RCA. Je pense qu'en Afrique, on ne pourrait pas déployer une force de l'OTAN, on aura de plus en plus besoin de déployer d'autres forces, et l'Europe est capable d'être acceptée. » — général de brigade Jean-Philippe Ganascia (ancien chef de la force EUFOR TCHAD).

Le partage en anticipation stratégique nécessaire

« L'Initiative européenne d'intervention (IEI) part d'un devoir de responsabilisation des Européens. Quatre [objectifs] : faire de l'anticipation stratégique, des planifications à froid, du soutien aux opérations, de la doctrine et du retour d'expérience. Le constat essentiel [est] : s'il n'y a pas de partage en anticipation stratégique d'une situation de crise, une connaissance de l'impact de cette crise sur les intérêts européens à terme [...], le jour où il y a une crise, il n'y a aucune raison qu'une décision puisse être prise dans des délais restreints. » — général de brigade Bertrand Toujouse.

Des données statistiques insuffisantes

Comparant les systèmes de recherche et de recueil des données statistiques de la défense des Américains et des Européens : « depuis le début de l’année, il y a déjà 2500 pages qui ont été publiés par l’organe de recherche du Congrès sur les questions de sécurité/défense. Si l’on prend des périodes comparables, le Joint Research Centre de l’Union européenne a publié en moyenne,non pas 150 rapports par an comme les Américains, mais un, ou deux. Depuis le début de l’année, c’est 40 pages seulement qui ont été écrites et publiées par les institutions européennes sur les questions de sécurité. Donc on a un retard absolument immense. » — Mayeul Kauffmann (CESICE/Université de Grenoble Alpes).

(citations recueillies et assemblées par Coline Traverson, st.)

Rédaction de B2

© B2 - Bruxelles2 est un média en ligne français qui porte son centre d'intérêt sur l'Europe politique (pouvoirs, défense, politique étrangère, sécurité intérieure). Il suit et analyse les évolutions de la politique européenne, sans fard et sans concessions. Agréé par la CPPAP. Membre du SPIIL. Merci de citer "B2" ou "Bruxelles2" en cas de reprise

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