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Combien a fourni l’Union européenne au G5 Sahel ? Qu’est-ce qui a été déboursé, payé, livré ?

(B2 - exclusif) L'Union européenne a décidé de verser 147 millions d’euros à la force conjointe du G5 Sahel. Du moins, c'est le chiffre officiel rendu public lors de la dernière réunion des ministres des Affaires étrangères. Savoir ce qui est réellement versé est plus dur. Tous les chiffres circulent : 20 millions, 55 millions, 83 millions...

(crédit : DICOD / Etat-major des Armées, février 2019)

Les Africains tempêtent qu'ils reçoivent l'argent au compte-goutte. Les Européens affirment la main sur le coeur qu'ils ont tout 'engagé'. Qui a raison ? Les deux sans doute. Mais, pour rétablir les bons chiffres sur les bonnes lignes, la patience est de rigueur. Tentons d'y voir clair.

Deux enveloppes

Premièrement, le chiffre de 147 millions correspond à deux enveloppes. La première, de 100 millions d’euros, provient de la Facilité de soutien à la paix pour l’Afrique, alimentée des contributions des États membres dans le cadre du Fonds européen de développement. L'autre, de 47 millions d’euros, est versée par les États membres via deux modalités : le centre de coordination et la contribution de la Facilité de soutien à la paix pour l’Afrique (15,6 millions).

Plusieurs canaux et objectifs

Deuxièmement, l'enveloppe de 100 millions d'euros communautaires est distribuée à travers plusieurs canaux, avec plusieurs objectifs :

• le soutien à la fourniture d'équipements, de services et d'infrastructures, via Expertise France * = 75 millions d'euros.

• le soutien opérationnel et logistique à la force conjointe du G5 Sahel (JF-G5S) sur le territoire malien, via la Minusma (la force des Nations unies au Mali) = 10 millions d'euros.

• le soutien à la mise en place d'un cadre de conformité pour le respect des droits de l'homme et du droit international humanitaire pour les opérations de la force conjointe, via le Haut-commissariat des Nations unies aux droits de l’homme = 10 millions d'euros.

• le soutien à la structure de gouvernance du G5 (collège de défense du G5 Sahel, comité de soutien de la force conjointe, bureau de défense et de sécurité du secrétariat permanent du G5 Sahel  et centre sahélien d’analyse des menaces et d’alerte précoce ou CSAMAP) via le GiZ = 5 millions d'euros*.

Tout n'a pas été versé et encore moins distribué

Troisièmement, ce budget n'a pas encore été versé dans son intégralité. « Le budget a été pleinement engagé et tous les partenaires travaillent à la mise en place de la force commune » affirme la version officielle. Mais engagé ne veut pas dire livré. Un haut diplomate européen que j'ai interrogé l'a confirmé : pour les matériels, « 20-25% a déjà été livré, 60% en cours de l'être ». Certains matériels ne peuvent être livrés, notamment les véhicules blindés, tout simplement car il faut les fabriquer.

NB : les 100 millions d'euros servent à payer des équipements mais aussi les per diem de certains personnels.

Par exemple, sur les fonds dédiés à Expertise France* (qui est le principal vecteur de délivrance de l'aide au G5 Sahel), 20 millions d'euros ont déjà déboursés et livrés, et 35 millions d'euros ont été déboursés mais pas encore livrés.

NB : les fonds dédiés à cette structure filiale du ministère des Affaires étrangères (agence française de coopération technique internationale) ne seraient pas d'une hauteur de 75 millions €, mais de 83 millions € = 50 millions € + 25 millions € (au titre de la facilité de paix) + 8 millions € (au titre de l'aide bilatérale française).

(Nicolas Gros-Verheyde)

(*) Sur ces montants, tout ne va pas au projet. Il y a des frais de fonctionnement pour les structures (au moins 5%, voire plus) et des frais d'évaluation et d'audit (2% en général, rien que sur ce poste).

Mis à jour - précisions sur la facilité de paix et le soutien à la gouvernance du G5 Sahel

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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