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Huit représentants spéciaux de l’UE enkystés dans le paysage. Efficacité ?

(B2) L'Union européenne dispose aujourd'hui de huit représentants spéciaux (Bosnie-Herzégovine*, Kosovo*, Processus de paix au Moyen Orient, Asie centrale, Sud Caucase et crise en Géorgie, Corne de l'Afrique, Sahel, Droits de l'Homme)

Le représentant spécial pour l'Asie centrale Peter Burian à New-York (crédit : SEAE)

Des super-diplomates à l'efficacité invisible

Ces 'super diplomates', compétents, se sont tellement 'incrustés' dans le paysage, dans une fonction quasi permanente, qu'on a cependant bien des difficultés à situer leur utilité dans le paysage européen (1). Leur activité réelle reste d'ailleurs un grand mystère. Aucun compte-rendu d'action n'est disponible : ni oral (conférence de presse, etc.) ni écrit (rapport annuel).

Une superposition plutôt qu'une simplification

Leur existence — prévue par le Traité européen — se superpose aujourd'hui tellement aux structures existantes — délégation de l'UE + division ou département géographique du siège du SEAE + missions ou opérations PSDC — qu'elle complique réellement le paysage local plutôt qu'elle ne le simplifie. Leur rôle de coordination se révèle un leurre car toutes ces structures obéissent à des impératifs et des chaînes de commandement totalement différents. J'ai été apostrophé par plusieurs Africains par exemple me demandant qui était le représentant européen dans leur pays. Belle question.

Un coût non négligeable

Le coût de ces structures n'est cependant pas négligeable. En 2018, selon le dernier état des lieux dressé par la Commission européenne, le budget se montait à 20,745 millions d'euros ! Pourtant peu d'États membres sont disposés à supprimer cette modalité qui représentante un 'fromage' pas désagréable à se répartir.

Une rationalisation nécessaire ?

De façon concrète, la question de supprimer la plupart de ces postes au profit d'un 'bon' ambassadeur local, doté d'un rôle de coordination régionale, ou tout simplement du directeur ou chef de division au siège du service diplomatique européenne, dont c'est un peu le rôle (2). Cela aurait le mérite à la fois de rationaliser le système diplomatique européen, et de dégager des marges budgétaires pour faire autre chose. NB : Ramené au salaire moyen d'un diplomate (6-7000 euros), on pourrait engager une équipe d'au moins 200 diplomates... ce n'est pas négligeable

(Nicolas Gros-Verheyde)

  1. Deux de ses représentants disposent d'un double chapeau (marqué *), assurant aussi le rôle de chef de délégation. Il existe aussi des envoyés spéciaux au sein du SEAE (pour l'espace). D'autres sont rattachés à la Commission européenne tels Jan Figel, envoyé spécial pour la liberté de religion dont le rôle est tout aussi confus. Là on est  davantage dans un rôle de circonstance destiné à récompenser un 'ami'.
  2. Les États membres sont souvent contre la suppression des RSUE non par souci d'efficacité, mais tout simplement pour conserver la chance d'obtenir des postes supplémentaires, de grade supérieur et d'influence, pour leurs diplomates nationaux, qui peuvent ainsi se déplacer, sous étiquette européenne, sans réel contrôle.

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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