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Le Brexit déjà en marche dans la politique européenne de défense

(B2 - exclusif) Peu importe les émois à Westminster et les tourments de Downing Street, ou la conduite sans ceinture du Prince Philippe, dans le domaine des opérations de stabilisation menées par l'Union européenne (au titre de la PSDC), le départ des Britanniques est désormais bien engagé et devrait se terminer bientôt

Le HMS Northumberland près du cercle arctique (crédit : MOD Uk / Crown copyright)

Un mouvement engagé

Le transfert du QG de l'opération anti-piraterie

Première concernée, la plus emblématique, l'opération anti-piraterie de l'UE (alias EUNAVFOR Atalanta) va déménager de Northwood (près de Londres) à la Rota et à Brest, le commandant britannique cédant sa place au commandant espagnol avec un second français. Le QG de La Rota est en pleine préparation, le QG secondaire de Brest — qui accueille la liaison avec la marine marchande — également. Les officiers ont commencé à rejoindre leur poste. Le « tuilage » est en cours, selon nos informations (lire : La revanche de Trafalgar).

Le changement de commandement en Bosnie-Herzégovine

Deuxième concernée, l'opération EUFOR Althea en Bosnie-Herzégovine. Plus discrète, après avoir été l'opération phare (de l'OTAN sous le nom IFOR) et de l'Union européenne, elle ne rassemble plus aujourd'hui que 600 hommes maximum. Elle n'en est pas moins importante, car un « poste d'observation » important de ce qui se passe dans les Balkans, notamment en matière de retour des combattants étrangers. Un Français va prendre la tête de l'opération, à partir du QG de l'OTAN à Mons (le SHAPE). Un petit noyau de Français est aussi prévu à Sarajevo au sein de l'état-major de la force (lire : Le retour de la France dans l’opération de l’UE en Bosnie-Herzégovine).

L'abandon d'un poste de numéro 2 en Somalie

Enfin, au sein de la mission civile EUCAP Somalia chargée d'assurer le conseil et la formation des Somaliens pour la sécurité maritime, le poste de numéro 2 assuré par un Britannique est en voie de changer de main, selon nos informations. Les Britanniques ne pouvant assurer de poste de commandement des opérations européennes.

Le retrait du planning des battlegroups

De même, en matière de force de réaction rapide de l'UE, les Britanniques se sont retirés du tour d'astreinte des battlegroups (lire : La prise d’astreinte française au battlegroup 2019 se prépare).

Du personnel détaché au titre d'un pays tiers

Des Britanniques resteront dans quelques unes de ces missions et opérations qu'ils estiment 'stratégiques', en particulier celles déployées en Somalie et dans l'Océan indien. Mais en tant que pays tiers, dès que le Brexit sera consommé. Un officier britannique de la marine marchande devrait ainsi être positionné à Brest, chargé d'assurer le lien (précieux) avec toutes les structures britanniques de la marine marchande. Et dans la mission EUCAP Somalia, Londres entend détacher un de ses officiers pour occuper le poste de chef des opérations.

Une transition en douceur

Dans toutes ces opérations et missions, le départ des Britanniques est désormais non seulement acté, mais leur remplacement est assuré, sans difficulté. Il est difficile désormais, voire quasi impossible, de faire machine arrière. Les Britanniques ont perdu leur tour.

Difficile de faire machine arrière

Si le Brexit devait être repoussé, il ne changera pas les changements opérés dans les commandements : la relève est déjà en place. Les Britanniques qui occupaient ces positions ont déjà (ou vont) retrouver d'autres fonctions dans l'armée britannique, l'OTAN ou d'autres opérations multinationales. Et dans les générations de force actuelles, ce serait un pari insensé pour les planificateurs britanniques de miser sur une possible annulation ou prolongation longue du Brexit pour faire de nouvelles offres de participation importante.

Quelques leçons du départ

A cette transition en douceur, tellement en douceur qu'elle passe inaperçue, on peut tirer d'ores-et-déjà quelques leçons. Premièrement, contrairement à ce qu'avaient affirmé certains dignitaires britanniques, assis confortablement dans leurs sièges en cuir dans des ministères londoniens, et quelques observateurs, peu au fait du fonctionnement réel de l'Union européenne, l'apport britannique dans les missions et opérations de l'Europe de la défense reste modeste. Il peut être facilement compensé, avec juste un peu de bonne volonté de quelques pays membres. Deuxièmement, le départ britannique consacre en fait le retour français dans des opérations et missions qu'ils avaient, ces dernières années, un peu délaissées. Au final, il reste tout de même un pincement au cœur. Les officiers de sa Royale Majesté, croisés durant ces années, m'ont toujours fait bonne impression, avec ce mélange de courtoisie, de rudesse, d'ironie et d'enthousiasme qui fait le charme et l'efficacité de l'armée outre-Manche. Dommage...

(Nicolas Gros-Verheyde)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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