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Les quatre raisons du coup de sang de Donald Trump à l’OTAN

(B2) L'intervention de Donald Trump jeudi (12 juillet) lors du sommet de l'OTAN semble davantage due à une blessure d'amour propre... comme à une erreur de jugement de certains dirigeants de l'Alliance

Le nouveau bâtiment de l'Alliance atlantique a été pris pour cible par le président américain comme trop cher (crédit : OTAN)

Tout le monde s'attendait à une sortie de Trump lors du sommet de l'OTAN. Tout le monde la redoutait, y compris dans les rangs américains. Elle aura bien eu lieu, mais au-delà de ce qui pouvait être attendu... tout simplement par une légère erreur d'appréciation, volontaire ou non (l'histoire le dira)

Le président américain l'avait dit urbi et orbi avant le sommet et durant le premier jour de celui-ci (mercredi 11 juillet) : pas question de sortir du sommet sans obtenir un clair engagement de ses alliés, en particulier de l'Allemagne, à dépenser plus. Les tweets, moyen préféré de communication du leader américain, l'ont annoncé (lire : Sommet de l’OTAN : Trump, ses diatribes, ses tweets (V3). La solide admonestation au secrétaire général de l'Alliance le matin même en ouverture du sommet (une véritable remontée de bretelles) l'a confirmé.

Une erreur de confiance ou une volonté d'aller au clash

Lors de la première séance de travail, consacrée à cette question du partage du fardeau, Donald Trump a cependant paru plus sage, plus évasif dans sa phraséologie. Quelques mots sinon convenus du moins largement attendus et pas de menaces ou de critique outrancière. Chacun se pensait donc à l'abri d'une nouvelle 'trumpitude'. Erreur funeste. L'optimisme qui prévalait après le dîner et jusqu'au petit matin du déjeuner s'est vite évanoui. Car les séances du jeudi ont été rudes (lire : Trump secoue l’Alliance. Une fêlure sérieuse, mais la cassure est évitée).

Les quatre motifs de la rage de Trump

1. Ce qui est écrit est écrit, ce qui est dit ne compte pas

Les dirigeants de l'Alliance et des pays membres ont tout d'abord feint d'ignorer son avertissement en se réfugiant dans une dialectique de « ce qui est important ne sont pas les mots mais ce qui est écrit dans la déclaration et accepté par tous, y compris les Américains » ont commis, en fait, une certaine erreur de jugement (*).

2. Le manque de respect au 'boss'

Sur le fond, ils n'avaient pas tort de dire que les propos de Donald Trump étaient une lubie ou une hérésie. On ne peut pas vraiment être lucide et accepter un objectif de 4% même à terme. Dans la realpolitik de l'Alliance où les États-Unis ont à la fois le leadership et sont le principal 'actionnaire' de l'organisation, cela reste difficile à soutenir. Dans toute entreprise, quand le grand patron a une lubie, on ne peut pas faire comme si de rien n'était. (Et Donald Trump se perçoit avant tout comme un grand patron et le véritable patron de l'Alliance).

3. L'hommage implicite à Obama

Le fait ainsi de se référer sans cesse au sommet du pays de Galles de septembre 2014 a été perçu comme une véritable provocation par Donald Trump. C'était, en fait, un hommage implicite à l'action ... de son prédécesseur, Barack Obama (présent en 2014). Une idée que l'hôte actuel de la Maison blanche veut bannir de son discours. Une bonne partie de sa politique étant orientée à inverser le cours des décisions de son prédécesseur.

4. Un spin mortifère

De même, la publication de la déclaration du sommet, soigneusement préparée par avance, qui ne fait donc aucune mention, même indirecte, des propositions de l'Américain, et surtout le spin mené par les officiels (français, allemand, espagnol, belge...) et donc les propos repris par les médias, n'ont fait que rajouter du sel sur la plaie.

La mission 'RESCO' de Stoltenberg

La remise à plat par le secrétaire général de l'Alliance, le Norvégien Jens Stoltenberg, lors de la conférence de presse finale, tenue après celle du dirigeant américain, rendant hommage à de nombreuses reprises à l'action de Donald Trump et prenant comme point de remontée de défense, son arrivée, tenait vraiment de l'opération 'RESCO' (la REcherche et Sauvetage de COmbat d'un pilote abattu derrière les lignes). Elle a permis de redresser la barre... Le lunatique Donald était aux anges, tout devenait merveilleux. Mais un peu tard, le mal était fait.

Un coup au moral

La confiance inébranlable dans la solidarité transatlantique, dans la fiabilité américaine est aujourd'hui lézardée. L'Alliance a pris un coup au moral. Et personne ne semble prêt à réitérer l'expérience tout de suite. Comme l'a confié un diplomate euro-atlantique à B2, si on peut s'éviter un nouveau sommet comme celui-là, on le fera. Sous entendu pas question d'organiser un sommet avec le président Trump. Pas de sommet de l'OTAN avant 2021 (si Trump est battu) ou 2025 (s'il est réélu).

(Nicolas Gros-Verheyde)

(*) Sauf à supposer — le machiavélisme étant consubstantiel à la politique — que la sortie de Donald Trump arrangeait bien certains dirigeants au sein de l'Alliance (suivez mon regard...) qui ont parfois des vues opposées. D'un coté, ceux qui estiment que la machine otanienne devrait être un plus opérationnelle, moins bureaucratique, et que certains pays devraient faire un effort plus notable à faire en matière de défense... De l'autre, les pays qui partagent avec Trump une certaine philosophie du populisme et du coup de mention.

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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