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Rome refuse le débarquement en Italie à ses propres navires

(B2) Après les navires des ONG, le gouvernement italien continue dans la voie du blocage des ports italiens aux navires ayant recueilli des migrants en mer. Mais cette fois il s'attaque à ses propres navires, dépendant de l'Etat — garde-côtes, marine, Guardia di Finanza — bien décidé à mettre les autres pays européens au pied du mur.

Ce qui pourrait conduire à une crise politique mais aussi intérieure. Le secours en mer étant une obligation intrinsèque

Nouveau refus

Cela commence mercredi (11 juillet). 67 personnes rescapées d'un naufrage sont à bord du Diciotti (CP 941), un navire des garde-côtes italien. Le ministre de l'Intérieur, Matteo Salvini, refuse que les migrants débarquent une fois le navire accosté au port de Trapani (Sicile).

Argument : des délinquants

Le ministre italien se sert d'un nouvel argument pour suspendre l'autorisation de débarquer : certaines personnes (deux) à bord sont soupçonnées d'avoir menacé le premier équipage qui les avait secouru (le remorqueur italien, le Vos Thalassa) au large des côtes libyennes, avant d'être transbordés lundi sur le Diciotti. Ces migrants auraient craint d'être ramené en Libye. Puis, le ministre parle de passeurs, de pirates, de délinquants.

L'intervention du président

Dans l’après-midi, le président de la République italienne, Sergio Mattarella, intervient. Il est le garant de l'indépendance de la magistrature (présidant le conseil supérieur de la magistrature). L'ordre donné par le ministre de l'Intérieur aux magistrats devient un acte non constitutionnel. Il s'en explique au chef du gouvernement, Giuseppe Conte. Le 9 juillet, le président avait d'ailleurs rencontré le ministre italien de l'Intérieur, indiquait son agenda.

La confirmation du chef du gouvernement

Finalement, l'autorisation de débarquer au port de Trapani est accordée, jeudi (12 juillet) soir. Dans un communiqué, le chef du gouvernement italien, Giuseppe Conte, annonce le débarquement « imminent » des migrants du Diciotti, précisant que les procédures d’identification ont été « achevées, en particulier pour ceux qui pourraient avoir commis un délit ».

Le ministre ne lâchera rien

Dans les jours suivants, le ministre Matteo Salvini ne lâche rien. Il reste d'ailleurs très véhément dans ses tweets contre les migrants, n'hésitant pas à afficher des « va-t-en » plusieurs fois de suite... Difficile d'être plus clair.

Vendredi (13 juillet), c'est au tour de la Guardia di Finanza et de Frontex de subir les foudres du ministre. Le navire britannique HMC Protector (Royaume-Uni) qui travaille pour l'opération Frontex et le navire italien Monte Sperone (P-01) de la Guardia di Finanza ont, à leur tour, été bloqués. Le premier transporte 266 personnes, le second 176 personnes, récupérées sur un bateau en bois de migrants. Quelques personnes, huit femmes et enfants, sont transférées à Lampedusa vu leur état de santé. Les autres devront attendre. Ils finiront par être débarqués, après maintes négociations avec les autres pays européens, sur l'île de Pozzalo. Plusieurs pays — la France, l'Allemagne, l'Italie, Malte, l'Espagne et le Portugal — s'engagent à accueillir certains des passagers.

Un modèle pour le HCR

Selon le Haut commissaire aux réfugiés des Nations unies, la façon dont les États européens « ont accepté de partager le traitement des 450 personnes, [...] bloquées en mer dans une bataille de débarquement, donne un exemple positif de la façon dont, en travaillant ensemble, les pays peuvent soutenir le sauvetage maritime et gérer les frontières tout en respectant les obligations internationales en matière d'asile ». Mais, souligne-t-il dans un communiqué, « il faut des solutions qui vont au-delà des arrangements fragmentaires ou navire par navire ».

(Emmanuelle Stroesser)

Emmanuelle Stroesser

Journaliste pour des magazines et la presse, Emmanuelle s’est spécialisée dans les questions humanitaires, de développement, d’asile et de migrations et de droits de l’Homme.

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