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Syrie. Attaque chimique dans la Ghouta, ligne rouge franchie. Le Conseil de sécurité saisi. Réplique en vue (V2)

(B2) Après l'attaque chimique présumée, qui a fait des dizaines de morts à Douma, la dernière poche rebelle près de Damas samedi, c'est le branle bas au niveau international.

Une attaque au chlore

Les Casques Blancs et l'ONG médicale Syrian American Medical Society (SAMS) ont affirmé dans un communiqué conjoint que 48 personnes avaient péri dans une attaque chimique aux « gaz toxiques » à Douma qui reste un des derniers fiefs des rebelles dans la Ghouta orientale (1). Ils ont également fait état de « plus de 500 cas, la plupart des femmes et des enfants », qui souffrent notamment de « difficultés respiratoires » et dégagent « une odeur semblable à celle du chlore ». Une information qui n'était pas dimanche (8 avril) confirmée encore de source indépendante, selon l'AFP. L'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), qui dispose d'un réseau de sources dans le pays, a indiqué ne pas être en mesure de confirmer une attaque chimique.

Des scènes effroyables

Une vidéo postée par les Casques blancs sur Twitter et présentée comme tournée après l'attaque chimique présumée montre un enchevêtrement de corps sans vie, dont ceux de femmes et d'enfants, allongés à même le sol, de la mousse blanche s'échappant de leur bouche.

Firas al-Doumi, un secouriste à Douma, a évoqué « des scènes effroyables ». « Il y avait de nombreuses personnes en train de suffoquer, certaines sont mortes immédiatement », a-t-il dit à l'AFP. « C'était un massacre. Il y avait une très forte odeur qui a entraîné des difficultés respiratoires chez les secouristes ». « Nous avons fait une tournée dans la ville, on a vu des corps encore abandonnés sur les routes », a affirmé un volontaire du Croissant rouge syrien. La sous-branche du Croissant-Rouge arabe syrien (SARC) à Douma a été « déclarée hors service le 7 avril en raison de la situation actuelle à Douma » annonce l'ONG dans un communiqué.

La saisine du Conseil de sécurité

Neuf pays — le Royaume-Uni, les États-Unis, la France, la Pologne, les Pays-Bas, la Suède, le Koweït, le Pérou et la Côte d'Ivoire — sous l'impulsion de la France, ont demandé une réunion urgente lundi à 15h à New York (21h à Paris du Conseil de sécurité de l'ONU, selon des sources diplomatiques, « pour discuter des rapports d'attaques chimiques » en Syrie.

Soupçons et inquiétudes

Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a fait part de son « extrême préoccupation », affirmant que la France « assumera toutes ses responsabilités au titre de la lutte contre la prolifération chimique ». Son homologue suédoise, Margot Wallström, s'est dite « horrifiée par les rapports d'attaques d'armes chimiques à Douma. Une enquête doit être lancée immédiatement. L'impunité n'est pas une option. La Suède exigera une action de la part des organismes internationaux appropriés, y compris le Conseil de sécurité des Nations Unies. »

La porte-parole de Federica Mogherini, la chef de la diplomatie européenne, a estimé elle que « toutes les preuves [pointaient] vers une nouvelle attaque chimique perpétrée par le régime ». « Presque un an jour pour jour des terribles attaques à Khan Sheikhoun, il est très préoccupant que des armes chimiques continuent d'être utilisées, en particulier sur les civils », a-t-elle ajouté dans un communiqué.

La Turquie, qui soutient les rebelles, a dit soupçonner « fortement » le régime. Le patron de l'ONU Antonio Guterres s'est dit « particulièrement alarmé » par le recours présumé au gaz.

Le prix fort

Du coté américain, le twitter en chef n'as pas tardé à indiquer la teneur de sa réaction. « De nombreux morts, y compris des femmes et des enfants, dans une attaque chimique insensée en Syrie », a indiqué le président américain Donald Trump, mettant l'accent sur le mot 'chimique'. « Le président Poutine, la Russie et l'Iran sont responsables pour soutenir l'animal Assad ». Le mot 'animal' revient à plusieurs reprises. Ils devront en « payer le prix fort ».

« La zone [où les] atrocités [se sont commises] est bloquée et encerclée par l'armée syrienne, ce qui rend complètement inaccessible au monde extérieur. » Et d'attaquer bille en tête son prédécesseur : « Si le président Obama avait franchi sa ligne rouge dans le sable, le désastre syrien aurait pris fin depuis longtemps! L'animal Assad serait de l'histoire ! »

« Le Conseil de sécurité doit se réunir et demander un accès immédiat aux premiers intervenants, soutenir une enquête indépendante sur ce qui s'est passé et demander des comptes aux responsables de cet acte atroce », a demandé Nikki Haley, l'ambassadrice US auprès des Nations unies.

Démenti syrien soutenu par ses alliés

Le régime syrien a démenti toute attaque chimique dans l'ultime poche rebelle dans la Ghouta orientale, région stratégique aux portes de la capitale que ses forces cherchent à reprendre entièrement. La Russie a dénoncé des « prétextes inventés » pour une intervention militaire qui « serait absolument inacceptable et peut mener aux plus lourdes conséquences ». L'Iran a de son côté fustigé un nouveau « complot » contre le président Assad et un « prétexte pour une action militaire ». Le régime y a vu lui « une rengaine ennuyeuse » de la part des pays « qui soutiennent le terrorisme en Syrie ».

La réplique se prépare

Entre Français et Américains, une réplique militaire se prépare. Le Président français Emmanuel Macron a annoncé avoir eu dimanche (8 avril), une conversation téléphonique avec Donald Trump, et avoir ainsi « échangé leurs informations et leurs analyses confirmant l’utilisation d’armes chimiques ». « Ils ont donné instruction à leurs équipes d’approfondir les échanges dans les prochains jours » précise un communiqué de l’Élysée publié au petit matin de lundi (9 avril).

(Nicolas Gros-Verheyde, avec AFP)

(1) Déterminé à faire plier le dernier groupe rebelle, présent dans la Ghouta orientale, Jaich al-Islam retranché à Douma, le pouvoir de Bachar el-Assad a de nouveau bombardé intensément vendredi (6 avril) et samedi (7 avril) la ville tuant près d'une centaine de civils, selon l'OSDH. Le régime a, semble-t-il, obtenu ce qu'il voulait puisque selon l'agence officielle Sana, un accord pour évacuer dans les prochaines 48 heures les rebelles de Douma, a été conclu dimanche avec Jaich al-Islam. Alors que le groupe rebelle n'a pas réagi dans l'immédiat à cette annonce, le commandant du centre russe pour la réconciliation entre les parties, Iouri Evtouchenko, a confirmé l'accord, faisant état de l'arrêt des combats. Selon lui, « 100 autobus » sont arrivés sur place et « tout est prévu pour l'évacuation de 8.000 combattants et environ 40.000 membres de leurs familles ».

(2) Il y a un an, le président américain a fait bombarder une base du régime syrien en représailles à une attaque au gaz sarin, qui avait tué plus de 80 civils à Khan Cheikhoun.

Mis à jour le 9.4 (6h) avec la déclaration franco-américaine et changement de forme

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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