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Une infiltration jusqu’au coeur de l’Etat slovaque, l’enquête inachevée de Jan Kuciak (V2)

(B2) Jan Kuciak enquêtait bien sur un sujet chaud : la présence et l'infiltration de la mafia italienne, en particulier calabraise (la 'Ndrangheta), dans l'économie slovaque et jusqu'à un certain niveau de l'État. Le quotidien en ligne Aktuality, auquel il appartenait, a publié les premiers éléments de l'enquête, schéma à l'appui, sur lequel travaillait le jeune journaliste, assassiné la semaine dernière dans sa maison à quelques 60 km de Bratislava (lire : Ján Kuciak assassiné par qui ? pour quoi ?). L'article même inachevé est éloquent... et inquiétant.

Qu'apprend-on ?

Plusieurs personnages, ayant des liens avec la mafia italienne — Carmine Cinnante, Antonino Vadala —, sont venus se réfugier en Slovaquie pour échapper à des procès ou des condamnations en Italie. Ils ont fait des affaires, ont reçu des subventions, notamment européennes et, surtout, établi des relations avec des personnes influentes au plan politique notamment dans le bureau du gouvernement.

Des millions de subventions européennes

Ces hommes gèrent des centaines à des milliers d'hectares de terres, et à ce titre reçoivent des subventions européennes. Pour les seules années 2015 et 2016, leurs entreprises ont réussi à obtenir plus de huit millions d'euros de paiements directs de l'agence des paiements agricoles, indique Aktuality. Vadala crée ainsi des entreprises à tour de bras, notamment GIA management avec Mária Trošková. Il a également comme partenaire commercial, Viliam Jasaň.

Une infiltration jusqu'au cœur de la sécurité de l’État ?

Deux personnages qu'on retrouve... au sommet de l’État. Tout d'abord, Mária Trošková est conseillère du Premier ministre Robert Fico. Agée de 30 ans, ancienne top model, elle est par ailleurs chef de cabinet de Viliam Jasaň, le directeur de bureau du Conseil de sécurité de l'État ou Bezpečnostnej rady štátu (BR SR). Un organe, consultatif, qui a un rôle primordial dans la sécurité de la République slovaque. Présidé par le Premier ministre Robert Fico, il comprend les principaux ministres concernés par un problème de sécurité (Intérieur, Défense, Finances, Affaires étrangères, Économie, Justice, Transports, Santé).

Un organisme au courant de tous les secrets défense ... et de l'OTAN ?

Il a pour rôle d'évaluer la situation de la sécurité en République slovaque et dans le monde. Il prépare des propositions de mesures gouvernementales sur la prévention des crises. Autrement dit, il peut accéder à certains documents d'analyses des services, classés "secret défense". Son programme de travail 2018 prévoit ainsi qu'il soit informé des différents exercices de crise de l'OTAN (comme l'exercice de gestion de crises CMX 17), de l'état de la sûreté nucléaire, de l'approvisionnement en énergie ou alimentaire, du nombre de soldats employés, de leur répartition, de leurs équipements et des installations des forces armées, etc.

Les deux individus ont annoncé ce mercredi (28 février) leur intention de démissionner mais ont dit « rejeter catégoriquement tout lien avec cette tragédie. Nos noms ont été abusés dans la lutte politique contre le Premier ministre Robert Fico ».

(Nicolas Gros-Verheyde)


Une demande d'information envoyée aux autorités slovaques

Interrogé lors du point de presse quotidien, ce jeudi 1er mars, le porte parole de la Commission, a rappelé que « les États membres (étaient) les principaux responsables de la gestion juridique des fonds européens ». L'exécutif européen a ainsi envoyé « une lettre à l'autorité compétente en Slovaquie pour demander des informations sur l'utilisation abusive possible des fonds agricoles » a-t-il ajouté. La Commission n'a « aucune tolérance pour la fraude avec les fonds européens. Et nous insistons par conséquent sur un engagement clair de tous les États membres pour prévenir la fraude ».  (CB/ES)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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