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Droit dans ses bottes, Oettinger ne convainc guère les députés, pire il les provoque

(B2) Venu en séance spéciale de la Cocobu, la commission de contrôle budgétaire, mardi (27 mars), le commissaire Günther Oettinger n'a pas vraiment convaincu les députés présents ni les observateurs journalistes (dont B2).

(crédit : parlement européen)

Du ping pong oratoire

D'abord sûr de lui — « nous avons respecté toutes les règles —, il a terminé avec un ton beaucoup moins convivial, montrant le doigt envers les députés, tapant du plat de sa main sur son pupitre, signe d'un énervement certain, et maniant la menace, n'hésitant plus à attaquer des députés, jugés trop pusillanimes. Mais surtout il s'est contredit à de multiples reprises sur des détails comme sur le fond : commençant par une défense très juridique, puis finissant par concéder que cette nomination était avant tout très politique. Comme l'a remarqué l'eurodéputé Gilles Pargneaux (S&D) « après deux heures de ping pong, vous pourriez faire carrière dans le cinéma car vos réponses sont parfois contradictoires ».

Un exposé trop clair déstabilise Günther

C'est surtout après l'exposé de la juriste du parlement, particulièrement clair, démontrant que toutes les règles n'avaient peut-être pas été respectées (lire : Affaire Selmayr. Le service juridique du Parlement rend un avis très clair. Intéressant), que l'Allemand, pourtant chevronné, a perdu une partie de ses moyens. Sur les autres personnes qui avaient candidaté, il a commencé ainsi par expliquer que, au nom de la protection des données personnelles, il ne pouvait rien dire mais qu'à titre de gage de bonne volonté, il était prêt à communiquer à quelques députés, dans une salle séparée quelques documents...

La protection des données sauf pour balancer des vacheries

Puis au détour d'une phrase il a lâché, à propos de la candidature de l'Espagnole, alors chef adjointe de cabinet qui, entretemps, a été promue chef de cabinet de Jean-Claude Juncker : « elle n'a pas été jugée compétente à ce poste » (de secrétaire général). Ce qui est pour le moins une violation des données personnelles. Et un lynchage en règle d'une personne nommée dans la foulée chef de cabinet du président Juncker.

Martin Selmayr à une réunion du PPE : pas au courant

Le plus drolatique a été cependant quand le commissaire a dit ignorer à quelle réunion (NDLR : du PPE) Martin Selmayr avait bien pu participer, avant de revenir dessus en donnant quelques détails : le chef de cabinet « attendait à la porte de la réunion avec le téléphone », pour si nécessaire prêter assistance. « Cela s'est toujours fait comme cela ».

Un effet désastreux parmi les députés

Au fil de son exposé, les soutiens s'évanouissent. Parmi les députés intervenants, aucun ne s'est trouvé là pour défendre la position de la Commission. Et l'attitude du commissaire n'y a pas vraiment aidé. Si les députés étaient partis avec un a priori pas très favorable à la Commission, la plupart des interventions sont restées assez modérées dans le langage, et plutôt ouvertes dans l'esprit. Plusieurs perches ont même été tendues à la Commission.

Un comportement vexatoire

Non seulement Oettinger n'en a saisi aucune, mais il a vexé même ceux qui étaient prêts à lui donner la contrition. A la fin de son exposé, il a provoqué, à plusieurs reprises, des rires sur les bancs des journalistes comme des députés, tellement son propos était en contradiction avec ses propos auparavant. Durant son intervention, le visage de Ingeborg Grässle, présidente de séance, membre du même parti que le commissaire (la CDU), s'est ainsi largement fermé.

(Nicolas Gros-Verheyde)

(1) Quand j'ai interrogé un porte-parole sur ce résultat désastreux, passée la défense de circonstance, est venu ce mot : « Mais tu connais Oettinger. Il est comme ça »... Lassitude

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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