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Ján Kuciak assassiné par qui ? pour quoi ? (V2)

crédit : facebook

(B2) Un jeune journaliste (27 ans) du média en ligne Aktuality (groupe Springer), Ján Kuciak, est mort, chez lui entre jeudi et dimanche, à Velka Maca, une petite ville entre Bratislava et Nitra. Assassiné...

Une affaire de pro

Son corps a été retrouvé dimanche aux côtés de sa compagne Martina Kusnirova. Chacun avec une seule blessure : une dans la poitrine pour Jan, une dans la tête pour Martina. Pour le chef de la police slovaque, Tibor Gašpar, le mobile de l'assassinat de Ján Kuciak est « probablement lié à son travail journalistique ». Celui-ci enquêtait sur des affaires de fraude fiscale d'entrepreneurs (notamment de Marián Kočner) liés plus ou moins au parti social-démocrate au pouvoir (le SMER de Robert Fico). Il retraçait aussi l'arrivée de la mafia calabraise en Slovaquie et sa proximité avec certains responsables notamment de la sécurité. Même si toutes les circonstances de sa mort doivent encore être éclaircies, l'émotion est grande en Slovaquie. NB : Le jeune journaliste avait en effet reçu des menaces par téléphone notamment de M. Kočner. Il avait déposé plainte, plainte restée longtemps sans action réelle de la police comme il l'indique sur sa page facebook.

Une mort discrète

La découverte de la mort n'a été que tardive, dimanche. La mère de la jeune fille avait téléphoné à la police, n'ayant plus de ses nouvelles. Une ronde de la police effectuée dimanche vers 22h30, dans le district de Sládkovičovo a permis de découvrir le drame. Le dernier contact ayant eu lieu jeudi, la mort se situerait entre ces deux dates, selon le récit qu'en fait aktuality. L'heure exacte et les circonstances seront déterminées après l'autopsie. D'après les traces, selon le quotidien Pravda, la jeune femme a tenté de s'échapper et de se cacher mais elle a été rattrapée.

Équipe spéciale d'enquête

Une équipe d'enquête spéciale va être créée a annoncé le Premier ministre slovaque Robert Fico, composée des représentants du Bureau du Procureur général, du Bureau du Procureur spécial, du Ministère de l'intérieur, de l'Agence nationale de police criminelle, du Présidium du corps de police et du Service d'information slovaque. Dans la foulée, il a annoncé une récompense d'un million d'euros pour des informations permettant d'arrêter les assassins.

Le deuxième assassinat en Europe en quelques mois

Ce meurtre réveille un sentiment étrange de déjà vécu. Le meurtre de la journaliste maltaise Daphné Caruana Galizia en octobre dernier à Malte (lire : L’assassinat de Daphné : un acte d’intimidation avant tout) avait été un choc en octobre dernier. Ce meurtre-là, si le mobile journalistique était avéré, en serait un également. La famille de Daphné a aussi précisé : « Ma famille a averti la Commission européenne que Malte, en assassinant ma mère, a établi une nouvelle norme d'admissibilité sur le territoire de l'Union européenne et [d'autres] mourront bientôt jusqu'à ce que des mesures décisives soient prises. Jan aurait pu être sauvé », a écrit le fils de Daphné Andrew Caruan Galizia.

Créer les conditions nécessaires à la sécurité des journalistes

Cet assassinat suscite l'émoi en Slovaquie comme dans la République tchèque voisine. Ce matin, les rédacteurs en chef de 12 des principaux médias slovaques ont exhorté l'État à « prendre toutes les mesures nécessaires non seulement pour retrouver la trace des criminels, mais aussi pour créer les conditions nécessaires à la sécurité du travail des journalistes ». Les journalistes tchèques et le comité de protection des journalistes (CPJ), ainsi que l'association des journalistes européens (AJE) — dont je fais partie — ont également fait part de leur vive inquiétude.

Commentaire : il serait temps que l'Europe prenne conscience de risques particuliers qui prennent les journalistes qui mènent certaines enquêtes et les protègent de façon majeure (au-delà des mots de condoléance qui ne durent que le temps de l'émotion). Il serait bon de prendre ce travail au sérieux et, quand des révélations sont faites, de prendre des actes sans délai pour sanctionner les coupables. Il serait temps que les vrais fauteurs de troubles, ceux qui corrompent, frôlent avec les lois de façon majeure en se croyant impunis car protégés par le pouvoir, sachent qu'ils peuvent être poursuivis. Il serait bon aussi que certains politiciens (ou leurs commensaux) prennent la mesure de cet état de fait et cessent de vilipender au moindre article gênant les journalistes en les traitant de menteurs ou de gêneurs, là où ils ne font que leur travail...

(Nicolas Gros-Verheyde)
vice-président de l'AJE France

mis à jour le 27.2 avec le soupçon porté sur la mafia italienne

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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