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Ambiance tendue au large de Chypre. Nicosie appelle à l’aide la diplomatie européenne

En marge de la réunion de l'OTAN les ministres italien et turc ont discuté du blocage du navire de ENI (crédit : ministère italien de la Défense)

(B2 avec AFP) Un navire italien (le Saipem 12000), venu faire de l'exploration gazière au large de Chypre, est bloqué depuis maintenant six jours. Ce qui suscite un nouvel incident entre les Européens et Ankara.

L'Italie s'en mêle

Le navire, une foreuse flottante, avait pour destination la cible de Suepi dans le bloc 3. ENI détient en effet des licences d'exploration dans cette zone économique exclusive (ZEE) chypriote 'giboyeuse' en pétrole et en gaz. Mais la marine turque a bloqué le navire vendredi dernier (9 février), au prétexte d'activités militaires dans la région. Blocage qui perdurait encore ce jeudi matin (15 février). Un navire de la marine italienne, le Zeffiro (F-577), une frégate de la classe Maestrale, a reçu l'ordre du gouvernement d'arriver dans le bloc 3, afin d'observer ce que fait la marine turque.

Des tractations diplomatiques en coulisses

Chypre a indiqué mercredi (14 février) qu'il comptait sur la diplomatie européenne pour résoudre rapidement le problème du blocage par la marine turque. « Il y a des tractations diplomatiques en coulisses, menées par des Etats européens, et nous attendons des résultats prochainement », a indiqué le porte-parole du gouvernement Nicos Christoulides à la radio publique, selon l'AFP. « Les actions entreprises ne peuvent être rendues publiques. Ces efforts portent sur plusieurs niveaux, pas seulement diplomatique ». Nicosie assure qu'Ankara a violé « le droit international » en bloquant au large de l'île le navire.

Les canaux diplomatiques italiens ouverts

« L'Italie a ouvert tous les canaux diplomatiques avec la Turquie pour parvenir à une solution partagée que nous espérons rapide. Nous avons même rencontré (mardi) le ministre turc (de la Défense) à Rome », a de son côté expliqué la ministre italienne de la Défense, Roberta Pinotti, à en marge de la réunion ministérielle de l'Otan à Bruxelles mercredi. Une nouvelle « Nous attendons. Mais clairement, nous ne pouvons pas attendre éternellement », avait déclaré lundi le patron d'Eni Claudio Descalzi à Rai News 24.

Deux exercices de tir, les Turcs s'en moquent

Afin de répliquer à cette emprise turque dans sa zone économique, le gouvernement chypriote a émis deux NAVTEX, annonçant des exercices de tir dans différentes zones dont le bloc 3 (cf. encadré). C'est-à-dire, où les navires de la marine turque sont déjà en place. Ceux-ci n'en ont cure et ont exclu la zone pour leur propre exercice militaire jusqu'au 22 février, comme l'indique le quotidien Kathimerini.

La Turquie s'éloigne de l'UE

Le président du Parlement européen, l'Italien Antonio Tajani (Forza Italia), en campagne électorale en Italie, est venu en renfort des Chypriotes. Il a assuré mardi (14 février) le président chypriote de son « plein soutien » et a appelé « la Turquie à respecter le droit international et à s'abstenir de toute provocation dangereuse dans les eaux territoriales chypriotes ». « La Turquie doit s'engager dans des relations de bon voisinage en commençant par une désescalade immédiate de la zone. » a-t-il ajouté sur son fil twitter. « Ce n'est pas comme ça qu'on se rapproche de l'UE, mais plutôt qu'on s'en éloigne ».

La découverte d'importantes réserves de gaz au cœur du bras de fer

Ce blocage intervient après l'annonce la semaine dernière par Nicosie de la découverte d'importantes réserves de gaz dans un des blocs de sa ZEE exploré conjointement par Eni et le Français Total. Les explorations gazières off-shore entamées il y a plus de sept ans par la République de Chypre ont entraîné des tensions avec la Turquie, qui réclame leur suspension dans l'attente d'une solution sur la situation politique de l'île. Pour les Turcs, cette exploitation « unilatérale » par le gouvernement de Nicosie viole les droits des Chypriotes turcs et leurs accès aux ressources naturelles de Chypre

Une mise en garde turque

Mardi, le président turc Recep Tayyip Erdogan avait mis en garde les compagnies internationales comptant prospecter des hydrocarbures dans les eaux chypriotes, alors qu'Ankara affirme défendre les « droits inaliénables » de la communauté chypriote-turque sur les ressources naturelles de l'île contre les« actions unilatérales » de Nicosie.

Les industriels continuent de forer

Selon Nicos Christoulides (le futur ministre des Affaires étrangères à partir du 1er mars), les sociétés disposant d'une licence ont assuré le gouvernement chypriote que les évènements actuels ne remettaient pas en cause leurs projets. L'Américain ExxonMobil a prévu de forer deux puits d'exploration dans la ZEE chypriote cette année.

(NGV avec AFP)


La marine russe en manoeuvre

On apprend que Chypre a « satisfait à la demande de la marine russe » de mener des exercices militaires à l'est de l'île (dans les blocs 13 et 14) et au nord du bloc trois de la zone économique exclusive chypriote. Ce, jusqu'au 16 février, selon le site de la radio Alphanews. Ce n'est pas extraordinaire, la marine russe est régulièrement en exercice dans cette zone proche de la Syrie où elle intervient régulièrement.

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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