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Francken part en vrille. Son départ du gouvernement posé

Theo Francken et l'ambassadeur du Soudan (source : facebook Theo Francken)

(B2) Le secrétaire d'État belge à l'Asile et à l'Immigration, Theo Francken, membre du parti nationaliste flamand, N-VA, parait parti en torpille.

Un régime autoritaire à la rescousse d'une démocratie

Le ministre a non seulement sollicité les autorités soudanaises — par l'intermédiaire de l'ambassadeur soudanais à Bruxelles, Motrif Siddiq – pour venir aider les autorités belges à identifier les ressortissants soudanais qui sont venus s'échouer dans le parc Maximilien de la capitale belge. Mais il persiste dans ce choix, l'estimant parfaitement justifié, comme il l'explique sur son compte facebook. « Il considère que la venue de la délégation soudanaise [...] est une percée. » « Il n'est pas clair de savoir quelle nationalité ont-ils, c'est pour cela qu'est là cette mission. [...] L'objectif est de procéder à 80 identifications. C'est le plus grand [exercice] jamais connu en Belgique et le premier en provenance du Soudan » se vante-t-il.

Les renseignements extérieurs soudanais à la manœuvre

Pour se remémorer qui est Motrif Siddiq, il faut se rappeler que c'est un proche d'Omar al-Bashir, le président soudanais (recherché tout de même par la Cour pénale internationale), et qu'il a été le directeur adjoint des services de renseignement extérieur jusqu'à 1995 (1), date à laquelle il a quitté le service pour intégrer la diplomatie soudanaise (2).

Une manière d'identifier des opposants

Sur la VRT et dans le quotidien flamand De Morgen, Koert Debeuf, spécialiste du Moyen-Orient, la fameuse délégation soudanaise ne serait pas composée de doux agents pacifiques mais composée d'«agents secrets». Il se dit certain à 99% que la délégation soudanaise est composée de membres de la police secrète de ce pays. De cette manière, le régime chercherait à identifier les opposants politiques et pourrait les torturer une fois renvoyés au Soudan. « Dans ce pays, tout est contrôlé par des services qui sont connus dans le monde entier pour pratiquer la torture. Le nombre de fonctionnaires indépendants au Soudan est nul. »

Commentaire : difficilement compréhensible

L'attitude du secrétaire d'État apparait difficilement compréhensible. On peut tout justifier. Mais il y a des limites à ne pas franchir. Il est une chose d'avoir des contacts avec tous les pays du monde. C'est le rôle de la diplomatie. Il est une chose d'apporter une aide humanitaire au Soudan et d'entretenir des contacts afin d'amener le pays sur une autre voie, quitte à lui donner une incitation financière. Il en est une autre de recourir à des régimes autoritaires, dictatoriaux, dont le dirigeant est recherché par la Cour pénale internationale et plusieurs de ses responsables inscrits sur liste noire de l'ONU comme de l'Union européenne pour meurtres et assassinats de masse, pour aider et conseiller un gouvernement démocratique à gérer sa politique de droit d'asile. C'est à peu près comme si on demandait aux Syriens ou aux Russes de venir prêter leur concours pour identifier des demandeurs d'asile. On est plus propre de la complicité que du comportement. Il parait donc difficile qu'un ministre de cette trempe demeure membre d'un gouvernement démocratique au cœur de l'Europe. Au moment où la Belgique finalise, à New-York, sa campagne pour obtenir un siège, non permanent, au conseil de sécurité de l'ONU, c'est pour le moins... fâcheux.

(NGV)

(1) Une date qui coïncide avec la tentative d'attentat contre Moubarak au sommet de l'OUA à Addis-Abeba et l'accusation formulée par Le Caire d'une implication des services soudanais dans ce meurtre.

(2) Il a été notamment ministre délégué aux Affaires étrangères et à l'Humanitaire et le premier ambassadeur soudanais au Sud Soudan, en 2011, la province sécessionniste. Il a été nommé en 2016 à Bruxelles au poste d'ambassadeur auprès de la Belgique... et de l'Union européenne.

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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