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La présence des ONG au large de la Libye : un effet d’aubaine pour les trafiquants ?

Le premier navire de recherche et de sauvetage de MSF, le Dignity I, a pris la mer le 21 avril 2016 depuis le port de La Valette, à Malte. Ce bateau, d'une capacité d’embarquement de 400 personnes, est déployé au large de la Libye et cherchera activement les navires en détresse. (Crédit : MSF)

(B2) Dans son dernier rapport d'activité, le commandant de l'opération EUNAVFOR Med Sophia contre les trafics en Méditerranée, au large de la Libye, le contre-amiral Enrico Credendino, met en cause d'une façon plutôt nette le travail de certaines ONG sur place, estimant qu'elles frôlent avec la limite territoriale des 12 miles nautiques et facilite, d'une certaine, façon le travail des contrebandiers.

La proximité des ONG est un facteur incitant

« La présence accrue des ONG — jusqu'à 26 navires des ONG sont enregistrés en haute mer  — qui sont prêtes à secourir les migrants dans les limites et parfois à l'intérieur des eaux territoriales libyennes a un effet sur le flux de migration. En étant aussi près des côtes libyennes, la présence des ONG permet aux trafiquants de récupérer leurs navires vers le rivage beaucoup plus facilement, dans l'objectif de les réutiliser ».

Un changement du modus operandi des trafiquants

Cette présence proche des ONG réduit « la moyenne de secours de 75 miles à 35 voire 20 miles du rivage libyen ». Cela a des conséquences sur le mode de fonctionnement : « les navires ne partent plus avec des téléphones Turaya (NB : comme au début) et ils ne passent plus d'appels de détresse au MRCC ». Les contrebandiers « semblent très au courant où ils peuvent trouver des navires de secours, en particulier des ONG, qui diffusent leur position via le système d'identification automatique (AIS) » dénonce l'amiral italien.

Des incidents avec la 'garde-côte'

Trois incidents ont ainsi impliqué des ONG et des navires « portant le logo des gardes côtes libyens », rappelle l'amiral : le 17 août (lire : Le Bourbon Argos attaqué au large des côtes libyennes), le 9 septembre (lire : Le Werra à la rescousse de ressortissants arrêtés par les garde-côtes libyens) et le 21 octobre (lire : Nouveau heurt avec un navire de la garde-côte libyenne ? Plusieurs noyés dénonce une ONG). Dans le premier cas, c'est un navire de MSF qui est témoin, dans les deux autres cas, c'est l'ONG allemande Sea-Watch (1). Les navires d'EUNAVFOR ont été appelés à la rescousse dans deux de ces occasions : en août et en septembre.

(Nicolas Gros-Verheyde)

Sur ce sujet, lire aussi : MSF répond aux accusations de Frontex

Lire aussi : Méditerranée. Les flux de migrants se renversent, les trafiquants s’adaptent

(1) Une ONG avec qui l'opération EUNAVFOR Med semble en mauvais termes, ou vice-versa

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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