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Bientôt des garde-frontières européens en Grèce ou ailleurs ?

(B2) « Sans contrôle effectif sur nos frontières, Schengen ne survivra pas ». C’est le leitmotiv de Donald Tusk, le président du Conseil européen, comme de la plupart des leaders européens qui se retrouvent aujourd’hui (19 novembre) à Bruxelles pour un nouveau sommet européen consacré à la crise des réfugiés. Ils auront du grain à moudre...

Un paquet de décisions

La Commission européenne, présidée par le Luxembourgeois Jean-Claude Juncker, a travaillé d’arrache-pied ces dernières semaines pour mettre au point un « paquet » de mesures permettant de « boucher » tous les trous existants, à la fois législatifs et opérationnels. Une révision du Code Schengen a ainsi été présentée, mardi. Elle rendra possibles des contrôles systématiques aux frontières pour les Européens également. Une évolution demandée par Paris et Berlin.

Une proposition audacieuse

La Commission met aussi sur la table une proposition très audacieuse : la création d’un corps de gardes-frontières et de gardes-côtes européens. Une idée souvent évoquée, jamais concrétisée. Il y avait longtemps qu’on n’avait pas vu à Bruxelles un tel projet, concret et ambitieux. Terminée l’habituelle prudence, finis les atermoiements. La proposition de la Commission prévoit de doter l’agence actuelle, Frontex, de pouvoirs plus étendus.

Une vraie capacité d'intervention

Frontex II (*) disposera ainsi d’une vraie capacité d’intervention, à la demande des Etats membres mais aussi de sa propre initiative en cas d’urgence. « Les temps, les esprits ont changé » explique Natasha Bertaud, la porte-parole du commissaire européen aux Affaires intérieures, Dimitris Avramopoulos. « Si on ne prend pas de mesure forte, c'est tout l'espace Schengen qui est menacé ». Aujourd’hui, à chaque crise, « on doit aller faire la quête » complète un expert européen. Ca ne marche pas toujours bien. En octobre, l’agence Frontex avait ainsi lancé un appel pour avoir près de 800 policiers et gardes-frontières déployés en Grèce. Un mois après, elle n’en avait toujours qu’à peine la moitié !

Des moyens doublés

Les gardes-frontières et de gardes-côtes européens new look auront de plus larges compétences : du sauvetage en mer à l’accompagnement des retours d’immigrants expulsés en passant par l’analyse de risques. Ils disposeront d’un budget en hausse, de 340 millions d’euros d’ici 2020. Ils pourront acheter certains équipements (scanners, etc.) ou les louer (avions, bateaux, radars). Le personnel va doubler. Environ 600 embauches sont prévues ! Et une réserve opérationnelle va être créée, d’au moins 1500 experts. Des policiers, des gardes-côtes déjà en poste dans les Etats membres mais prêts à partir dans les 72 heures en cas d’alerte. Un peu comme l’alerte Guépard pour l’armée de terre en France.

Un couac...

Seul petit couac de ce projet, la Commission a prévu de confier à un comité le soin de décider, tout seul, du déploiement des garde-frontières, même si un pays ne l’a pas expressément demandé. De quoi faire ruer dans les brancards quelques Etats chatouilleux sur leur souveraineté, Polonais ou Hongrois notamment. Les Nordiques — Suède et Finlande — n’apprécient pas non plus le procédé qu’ils jugent peu démocratique. A la Commission, on relative cette difficulté. Ce n’est « qu’une proposition, libre aux Etats membres (ou au Parlement européen) de l’amender » rappelle un diplomate européen.

(Nicolas Gros-Verheyde)

Papier publié dans Sud-Ouest ce jeudi matin

Lire aussi : Des gardes-frontières européens, une excellente idée. Mais…

(1) Une terminologie qu'on n'aime pas trop du côté de la Commission où on préfère parler de novation complète

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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