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Le lobby des armes monte au créneau contre le renforcement de la législation (v2)

Les armes semi-automatiques ne sont pas des fléchettes(B2 - exclusif) Les détenteurs d'armes à feux de collection, les chasseurs, les tireurs... ont fait entendre leur voix, dès la présentation, mercredi 18 novembre, par la Commission européenne (1). Discrètement mais de façon très efficace. Aussitôt la mesure connue, de nombreux mails ont inondé les bureaux des eurodéputés, notamment les francophones. Un mail contenant invariablement le même argumentaire, qui n'est pas signé d'une association mais d'un individu. En fait, cet appel se retrouvait sur certains forums de tireurs et était notamment entraîné par  l'Union Nationale des Propriétaires d'Armes de Chasse et de Tir (UNPACT), née en 2011 pour protester contre une proposition de loi similaire en France. Un envoi qui n'est sans doute pas le plus important, note un observateur averti au sein du Parlement européen, mais qui n'en est pas moins massif.

Quels arguments utilisent-ils ? « Des fonctionnaires de la Commission européenne sont visiblement tentés d'instrumentaliser les dramatiques événements de ces derniers jours et de faire un énième amalgame douteux entre la détention légale d'armes semi-automatiques par des citoyens respectueux des lois et la détention illégale d'armes automatiques par des terroristes. (...) Cette prohibition des armes légales n'a évidemment aucune chance d'avoir le moindre impact sur les risques induits par l'arrivée d'armes illégales au travers des frontières poreuses de l'espace Schengen. Les détenteurs d'armes légales – chasseurs, tireurs, collectionneurs – comptent sur leur représentation au Parlement européen pour ne pas devenir des victimes collatérales du terrorisme et résister à l'influence excessive des personnels non élus de la Commission européenne. »

Un argumentaire contestable.

1° Il ne s'agit pas d'une mesure anti-démocratique. Mais d'une mesure décidée en concertation par tous les Etats membres, et avec leur accord quasi-unanime. De plus une partie de cette législation sera soumise au Parlement européen, pour une discussion démocratique.

2° Certes, la réglementation visée laisse tout entier le « marché  » des armes de type Kalachnikov, provenant notamment des stocks des Balkans (2). Mais elle répond à certains problèmes constatés par certains experts européens de sécurité. La neutralisation de certaines armes peut facilement être supprimée. Et la situation d'un pays membre à l'autre diffère de façon importante. Ce n'est pas parce que la France a une législation plutôt rigoureuse que tous les pays l'ont également.

3° Il n'y a pas de prohibition générale mais plutôt un resserrement de la législation existante (3). De plus, quand on parle d'armes semi-automatiques, on ne vise pas les vieux chassepots ou de fusils à silex antiques mais des armes plus récentes, pistolets, qui peuvent toujours servir, qui ont un chargement automatique même si les balles sont tirées au coup par coup (4). Une arme semi-automatique n'est tout de même pas une boite de cassoulet. Selon les spécialistes, elle est peut d'ailleurs être aussi dangereuse qu'une arme automatique. Le resserrement de la législation européenne semble donc tout à fait justifié, même s'il ne répond pas à toute la problématique plus vaste des trafics d'armes.

(Nicolas Gros-Verheyde)

(1) Lire : Un cadre plus strict sur la détention d’armes à feu proposé par la Commission

(2) Un problème qui sera traité à un autre niveau, par les Européens. Les ministres de l'Intérieur viennent de le décider vendredi (20 novembre).

(3) La législation vise (entre autres) à introduire à faire entrer en catégorie A (interdites) trois types d'armes : les armes automatiques qui ont été converties en armes semi-automatiques (Automatic firearms which have been converted into semi- automatic firearms) ; les armes semi-automatiques à usage civil qui ressemblent à des armes avec des mécanismes automatiques (Semi-automatic firearms for civilian use which resemble weapons with automatic mechanisms) ; les armes de catégorie A qui ont été désactivées (Firearms under points 1 to 7 after having been deactivated’)

(4) Selon la définition communautaire, de la directive de 1991, c'est une « arme à feu qui, après chaque coup tiré, se recharge automatiquement et qui ne peut, par une seule pression sur la détente, lâcher plus d'un seul coup ».

NB : cet article a suscité un certain nombre de commentaires, tous tournés dans le même sens, certains carrément insultants, d'autres très agressifs,  sans aucun rapport avec le ton de l'article, avec des arguments souvent contestables. Notre ligne éditoriale prévoit que les commentaires ne sont que rarement publiés (sauf s'ils apportent un contenu éditorial intéressant). Vu la tournure d'esprit de tous ces commentaires, il est évident qu'ils n'entrent pas dans cette exception. Leur contenu n'incite pas par ailleurs à confier des armes semi-automatiques à des personnes qui, sous prétexte de "bien savoir", ne traduisent pas dans leurs écrits un parfait sang froid et respect de l'autre. En revanche, des précisions utiles à la compréhension du sujet et permettant de donner tout le contexte de la décision ont été apportées.

(Mis à jour) l'argumentaire a été précisé en réponse à plusieurs commentaires se plaignant notamment d'une procédure "anti-démocratique", faite par des "bureaucrates qui n'y connaissent rien", voire "stupides" ou "attentatoire aux libertés". Il a détaillé certains points de la directive notamment celui sur les armes semi-automatiques, qui semble être celui qui provoque le plus la colère...

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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