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La France peut-elle déclencher une clause de solidarité de ses alliés ? Quel intérêt ?

DrapeauxBerneOtan@OTAN151114(B2) Après les attentats de Paris, qui sont d'une magnitude importante mais pas inédite en Europe (1), plusieurs clauses de solidarité peuvent être activées tant au niveau de l'OTAN que de l'Union européenne. Et la France pourrait solliciter l'une comme l'autre, voire les deux à la fois, selon ce que décidera le gouvernement français. Rien n'interdit, en effet, à Paris de solliciter à la fois les alliés de l'OTAN et ses alliés de l'Union européenne (souvent les mêmes). Les deux clauses sont d'ailleurs complémentaires. L'une est plus politique et militaire ; l'autre est tout autant politique mais comprend une palette de mesures plus large.

La clause de solidarité de l'OTAN : un acte majeur

La plus célèbre des clauses de solidarité est celle incluse dans le Traité pour l'Atlantique nord (OTAN). C'est l'article 5 qui prévoit que si un Allié est victime d’une attaque armée, chacun des autres membres de l’Alliance « considérera cet acte de violence comme une attaque armée contre l’ensemble des membres et prendra les mesures qu’il juge nécessaires pour apporter une assistance à l’Allié attaqué ». Elle n'a été invoquée qu'une fois, par les Etats-Unis, lors des attentats du World trade center et du Pentagone, le 11 septembre 2001. De par la nature politico-militaire de l'OTAN, la réponse naturelle à ce type de consultations est d'ordre plutôt militaire.

Un succédané existe, une procédure de consultation, ou d'alerte, prévue à l'article 4 qui prévoit de consultations entre alliés « chaque fois que, de l’avis de l’une d’elles, l’intégrité territoriale, l’indépendance politique ou la sécurité de l’une des parties sera menacée ». Clause invoquée à plusieurs reprises par les Turcs notamment.

Lire notre fiche mémo : La clause de l’article 5 (solidarité), la clause d’alerte (article 4)

La clause de solidarité à l'européenne : jamais utilisée en tant que telle

Depuis les attentats en Espagne de 2004, et le Traité de Lisbonne, l'Union européenne dispose d'une procédure d'alerte et de solidarité, formalisée, et déclenchable en cas de problème majeur (attaque terroriste, catastrophe importante naturelle ou humaine) prévue à l'article 222. Elle est déclenchée par un État membre quand celui-ci « estime, après avoir exploité les possibilités offertes par les moyens et les instruments existants, tant au niveau national qu’à celui de l’Union, que la situation manifestement dépasse les capacités de réaction dont il dispose ». Il y a là une notion d'incapacité partielle de réponse, qui n'est pas présente dans la clause de solidarité de l'OTAN. Une décision est venue préciser, en 2014, les modalités d'usage de cet article.

L'Union européenne mobilise alors « tous les instruments pertinents (qui) peuvent le mieux contribuer à la réaction face à la crise », que ces instruments soient « sectoriels, opérationnels, stratégiques ou financiers » voire « militaires ». L'intérêt de cet instrument est qu'il est tout autant technique que politique et, surtout, qu'il offre une palette d'outils de réponse possibles, de façon très souple. Outre les mesures conjoncturelles, on peut ainsi considérer qu'il y a nécessité de prendre une décision obligatoire, d'engager des financements, de mettre à disposition des moyens d'autres pays (policiers, experts de renseignement...). On peut même estimer qu'il est nécessaire de reporter certains engagements financiers de la France (par exemple en matière de déficit).

Cependant le porte-parole de la Commission Margaritis Schinas n'a pas voulu se placer dans cette hypothèse. « Nous sommes dans la période de deuil et de recueillement, ce n'est pas le moment » a-t-il déclaré ce midi, en réponse à la question d'un collègue. « Toute une série de conditions sont associées » à la mise en oeuvre de la clause. Il n'a cependant pas voulu totalement exclure cette hypothèse parmi toutes les autres mesures.  « Le collège (des commissaires européens) en discutera mercredi (tout comme) les ministres vendredi » a-t-il ajouté

Lire notre fiche-mémo (B2 Pro) : La clause de solidarité – article 222

La clause d'assistance mutuelle

L'Union européenne dispose aussi d'une autre clause, dite de défense ou d'assistance mutuelle - semblable à celle de l'OTAN et découlant directement de l’article V du traité de l’Union pour l’Europe Occidentale signé en 1948 —. Si un État membre est objet d’une agression armée sur son territoire, les autres États membres lui « doivent » aide et assistance « par tous les moyens en leur pouvoir, conformément à l'article 51 de la charte des Nations unies », prévoit ainsi l'article 42.7 du Traité.

Lire notre fiche-mémo : Les clauses de solidarité et défense mutuelle dans le Traité

Un signal politique très important

Au-delà du symbole, le déclenchement d'une de ces clauses obligerait les Européens et les alliés euro-atlantiques à s'engager plus avant, que ce soit par des mesures politiques, financières, de sécurité, voire militaires. L'usage de l'article 5 de l'OTAN serait un signal politique de gravité notable, en rapport avec les déclarations (guerrières) du président François Hollande quelques heures après l'attentat. Elle obligerait à une solidarité extrême, militaire, les autres Etats membres. L'usage de l'article 222 de l'Union européenne comme de l'article 42.7 serait une première en soi. Elle serait conforme au tropisme européen de François Hollande et obligerait les partenaires européens et les institutions européennes à être à la fois plus solidaires et plus réactifs, pas seulement dans les mots... mais aussi dans les actes.

(Maj - 17h) Le président de la République française, François Hollande, vient d'annoncer à Versailles avoir demandé à son ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, d'évoquer demain, mardi, lors de la réunion des ministres de la Défense de l'UE, la mise en oeuvre de la clause de défense mutuelle, prévue à l'article 42.7 du Traité de l'UE.

(Nicolas Gros-Verheyde)

(1) Les attentats survenus à Madrid dans plusieurs gares au même moment le 11 mars 2004 ont fait près de 200 morts et 1400 blessés

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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