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Respectez l’usage du Français Svp

AfficheSemaineFrancophonie(B2) L'association des journalistes européens de la section France (AJE - France) a adressé aujourd'hui, en cette journée internationale de la francophonie, aux différents responsables européens, notamment Jean-Claude Juncker (Commission européenne), Federica Mogherini (Haut représentant) et Donald Tusk (Conseil européen), une lettre pour les alerter sur l'abandon constaté de l'usage du français dans la communication de la Commission européenne comme du Service européen d’action extérieure et du Conseil européen. « Cette situation nous inquiète au plus haut point », disons-nous.

Si le français reste encore (scrupuleusement) respecté lors des briefings quotidiens de la Commission européenne, il n’en est pas de même dans la publication des différentes communications (officielles ou à la presse) comme sur les différents sites internet européens qui sont, majoritairement voire exclusivement, rédigés en anglais. Certains sites sont intégralement en anglais comme celui de la DG « Growth ou Internal Market » ou « Migration and Home Affairs », comme celui de l’agence Frontex. Certains communiqués sont exclusivement disponibles en anglais – même quand ils visent des zones francophones —. Il en est de même de nombre de rapports des institutions. Point d’autant plus inquiétant quand ces questions concernent des sujets de préoccupation première pour nos concitoyens.

Cette situation est dommageable à plus d’un titre, non seulement pour la presse mais aussi pour l’idée européenne qui ne peut être limitée à une seule langue.

Nous ne nous appesantirons pas sur l’obligation découlant des traités qui a déjà été tranchée par la Cour de justice notamment pour les concours. Notre propos est davantage sur la mécanique journalistique et l’importance d’être compris par les citoyens.

1. Le passage en plusieurs langues oblige à bien comprendre la mécanique européenne. L’utilisation d’une seule langue ne le permet pas. Au contraire, elle encourage la mise en place et la conservation d’un « jargon » qui n’a qu’un lointain rapport même avec la langue anglaise.

2. En n’utilisant qu’une seule langue, les institutions favorisent une concentration des médias et des journalistes anglophones au détriment d'une diversité médiatique européenne et de la constitution d'un espace public accessible. Elles privilégient les personnes qui sont d’un pays parlant anglais ou y ont fait leurs études, au détriment des autres. Ce qui ressemble à une discrimination.

3. En ne favorisant qu’une seule langue, l’Union européenne introduit un différentiel de compétitivité entre les médias anglo-saxons et les autres. Quand il s’agit de citations de responsables européens, utilisées en grand nombre dans nos articles, les premiers feront un couper-coller (2 secondes), les autres devront comprendre, traduire, transposer (ce qui prend plus de temps). A l’heure d’internet cela traduit un net déficit en faveur des premiers.

4. L’usage quasi-monopolistique de l’anglais part d’un postulat que l’ensemble des citoyens européens maitrise totalement cette langue. Ce qui est faux. Dans de nombreux pays, l’anglais n’est réellement maitrisé à 100% que par une minorité de la population. Et, sur internet, sauf dans quelques milieux, la recherche préférentielle se fait dans sa langue maternelle et non en anglais.

5. Le résultat est doublement pénalisant pour les idées européennes : celles-ci paraissent l’apanage d’une minorité technocratique et élitiste, le discours anti-européen (professé dans la langue nationale) paraît supérieur au discours pro-européen. Ces éléments doivent être renversés.

C’est pour cela que nous vous demandons : le respect de la pratique jusqu’ici suivie, la disponibilité dans les trois langues de travail (français, anglais, allemand) de toutes les communications à la presse faites par la Commission européenne (2 langues de travail pour la PESC). Vous nous répondrez sans doute : la raréfaction des moyens. Cet argument n’est pas recevable. Certaines institutions comme la Cour de justice européenne ou le Parlement européen arrivent à traduire un nombre autrement plus conséquent de textes. Et vous disposez en interne de suffisamment de ressources maitrisant les deux langues pour, à défaut, de fournir une « traduction officielle » fournir une « traduction de courtoisie » comme le font les organismes internationaux.

Télécharger la Lettre de l'AJE / Visitez le site de l'AJE

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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