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La guérilla britannique contre l’Eurozone gagne une bataille

La fonction de superviseur de la BCE a des limités dit le tribunal européen (crédit : BCE)
La fonction de superviseur de la BCE a des limités dit le tribunal européen (crédit : BCE)

(BRUXELLES2) Le Royaume-Uni a entamé une guérilla juridique sur la réglementation de l'eurozone (*). Un point de vue tout autant politique qu'économique. Les Britanniques cherchent à protéger les intérêts de la City de Londres et soulignent que les décisions prises au sein de la Zone Euro ne peut avoir des effets hors de la zone Euro. Le tribunal de l'Union européenne a rendu, aujourd'hui (4 mars), en première instance, un arrêt qui rend grâce à leurs arguments.

Pas de localisation obligatoire dans l'Eurozone

Les juges européens ont, en effet, annulé le cadre de surveillance de l’Eurosystème publié par la Banque centrale européenne (BCE) avec deux arguments principaux. Ils estiment que « fixer une exigence de localisation au sein d’un État membre de l’Eurosystème » aux contreparties centrales intervenant dans la compensation de titres financiers » « dépasse le cadre de la simple surveillance (et intervient) dans la réglementation de leur activité ».

Pas de compétence générale de la BCE

Or, complètent les juges, la BCE « ne dispose pas de la compétence nécessaire pour réglementer l’activité des systèmes de compensation de titres ». Sa compétence est, en effet, limitée par le Traité européen (article 127, § 2, du Traité FUE) aux seuls systèmes de paiement. Comme ses statuts ne font « aucune référence explicite à la compensation de titres » (**), le tribunal interprète l’expression « système de compensation et de paiements » comme étant destinée à souligner que la BCE dispose de la « compétence pour adopter des règlements en vue d’assurer l’efficacité et la sécurité des systèmes de paiement », y compris ceux incluant une phase de compensation, mais n'a « pas une compétence règlementaire autonome à l’égard de l’ensemble des systèmes de compensation ».

Une interprétation restrictive

La BCE avait bien plaidé que la mission confiée par les traités européens de promouvoir le bon fonctionnement des systèmes de paiement implique nécessairement de disposer pouvoir de réglementer l’activité des infrastructures de compensation de titres. Cette argumentation n'a pas été reçue.

Un arrêt qui pourrait avoir une suite politique

Cependant tout n'est pas perdu pour les tenants de l'intégration européenne. D'une part, cet arrêt n'est pas définitif. Un pourvoi peut être introduit devant la Cour. Choix assez délicat mais qui aurait le mérite de repousser une solution définitive. Ensuite, les juges, eux-mêmes, ont ouvert une voie de révision politique de leur position. La Banque centrale pourrait - souligne le tribunal - demander une modification de l’article 22 des statuts (**), avec l’ajout d’une référence explicite aux systèmes de compensation de titres...

(NGV)

(*) Le Royaume-Uni avait perdu une première bataille contre les bonus bancaires. L'avocat général de la Cour avait estimé que cette réglementation européenne visant à limiter les bonus des banquiers était légitime. Londres a préféré battre en retraite et a, très discrètement, retiré son action en justice, évitant ainsi un arrêt définitif... Subtil !

(**) L'article 22 des statuts mentionne simplement que la BCE « peut arrêter des règlements en vue d’assurer l’efficacité et la solidité des systèmes de compensation et de paiements au sein de l’Union et avec les pays tiers ».

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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