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Ils ont eu raison d’aller discuter avec Bachar. Halte à l’hypocrisie

Les députés français avec Bachar el Assad (source : agence officielle syrienne de presse / SANA)
Les députés français avec Bachar el Assad (source : agence officielle syrienne de presse / SANA)

(BRUXELLES2) La levée de boucliers sur le déplacement de quatre députés français à Damas — dont l'UMP Jacques Myard, le socialiste Gérard Bapt —, pour rencontrer Bachar, est on ne peut plus artificielle et un vrai festival d'hypocrisie...

Le discours vindicatif a fait long feu

D'une part, il faut se rendre à la raison. Les imprécations du style "Bachar doit partir et le plus tôt sera le mieux" proférées par le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, sont restées vaines et lettre morte (1). Au point qu'aujourd'hui, ce message vindicatif a baissé d'un ton. Principe de réalité oblige. Quatre ans après le début de la guerre de Syrie, et malgré des sanctions personnelles et économiques implacables, mises en place au niveau européen ; malgré une guerre qui fait des ravages, Bachar est toujours au pouvoir, certes sur une zone réduite, mais il reste présent et en vie. Mieux, il est aujourd'hui un allié "objectif" dans la lutte contre l'organisation de l'Etat islamique et autres mouvements djihadistes qui détiennent une partie de la Syrie et de l'Irak. L'exemple de la Libye, avec la destruction du régime de Kadhafi, est aussi présent sous les yeux de la communauté internationale comme l'exemple de ce qu'il ne faut pas faire.

L'hypocrisie régnante

D'autre part, on ne discute pas officiellement avec Bachar mais... on laisse l'envoyé spécial de l'ONU, Stefan di Mistura, négocier et parler avec le régime de Damas. Celui-ci l'affirmait encore il y a peu devant le Parlement : oui, "il faut parler avec tout le monde, le régime de Bachar comme l'Iran" (Lire sur le Club : Tout faire pour obtenir un « gel des bombardements à Alep » (De Mistura) ou le chaos total… Mieux ! On remercie Moscou, en pleine crise ukrainienne de tenter de réunir autour d'une table gouvernement et opposition. Et on souhaite que cette entremise réussisse. Alors, soyons réalistes, il faut toujours discuter avec le "diable". Discuter... ne veut d'ailleurs pas signifier un accord ou vouloir se plier aux volontés de Bachar.

(Nicolas Gros-Verheyde)

(1) Certains diplomates européens, connaissant bien le Moyen-Orient, estimaient d'ailleurs dès le début que ce discours violemment anti-Bachar était une erreur politique flagrante.

 

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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