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Mission plage pour EUBAM Libya

PlagesTunis(BRUXELLES2) Environ 12 millions d'euros, en rythme annuel, à ajouter aux 26 millions d'euros de la première année, cela commence à faire cher pour une mission — la mission d'assistance aux frontières (EUBAM Libya) — dont l'efficacité et l'activité sont proches du zéro !

Démarrée avec un peu de retard, et quelques difficultés, cette mission avait un objectif louable et intéressant : aider les Libyens à mieux contrôler leurs frontières que ce soit au nord - pour empêcher les flux migratoires le long des frontières maritimes - ou au sud et à l'ouest - avec un objectif dédié à la lutte le terrorisme et la criminalité. Mission primordiale. Cependant, à peine démarrée — quelques repérages et une formation courte de quelques jours —, la mission s'est arrêtée. La situation sécuritaire en Libye a obligé la mission qui avait à peine commencé ses activités à se replier vers Tunis et Malte. C'était en juillet dernier. Depuis... rien !

Le télétravail pour une mission de défense... original

Officiellement, la mission continue ses activités afin de préparer un possible retour en Libye, gardant le contact avec ses interlocuteurs. Les effectifs ont été sensiblement réduits, notamment en matière de sécurité. Certains agents ont été placés en « télétravail » modalité très originale pour une mission de défense et de sécurité, commentent certains spécialistes de la question. C'est un peu « la plage à Tunis » ironisent les diplomates européens.

Des millions d'euros gaspillés

On pourrait en rire. Mais quand on sait que le budget prévu pour cette mission jusqu'à mai 2015 avoisinait les 26 millions d'euros. Et que, même en réduisant les effectifs, la mission coûtera toujours plus de 12-14 millions d'euros, en rythme annuel, il y a de quoi s'interroger. Une interrogation d'autant plus nécessaire que les budgets européens évoluent aujourd'hui sous une certaine contrainte. La marge disponible dans le budget "PESC" (politique extérieure et de sécurité) n'est aujourd'hui plus que de 16 millions d'euros (une fois toutes les dépenses prévues effectuées, ce sans compter d'éventuels remboursements à attendre).

Et une enquête Olaf

Signalons aussi qu'une enquête de l'OLAF (Office de lutte anti-fraude) a été menée sur l'attribution de certains marchés publics attribués dans le cadre de EUBAM Libya, demandant à la Commission européenne et au Service diplomatique européen de prendre certaines mesures. Tout cela fait un peu beaucoup peut-être. Et des mesures s'imposent...

Commentaire : On connaissait déjà la mission "ping pong" (EUFOR Libya - lire : La fin sans gloire d’une opération), voici donc la mission "plage". Même un ardent défenseur d'une action européenne en matière de stabilisation et maintien de la paix, sera forcé de le reconnaitre. On ne peut pas continuer. Ce type de mission, à l'arrêt, mine la crédibilité européenne en même temps qu'il constitue une source de gaspillage d'argent. Il parait tout à fait possible de stopper les frais tout en gardant le cadre juridique de la mission EUBAM Libya, au cas où la situation s'améliore.

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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