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ReportageRussie Caucase Ukraine

Les gardes frontières ukrainiens… sur la ligne de front

2014-11-29 15.44.39(BRUXELLES2 à Kiev) Dans un bâtiment de la capitale ukrainienne, B2 a pu rencontré les responsables du service des garde-frontières, notamment Vasyl Servatiuk. Il incarne une volonté de renouveau au sein d'un service - qui de l'aveu des experts européens - est de ceux parmi les services de sécurité ukrainiens qui a le mieux intégré l'esprit de réforme.

Faire face à la guerre hybride

« Nous faisons face à des nouveaux défis » explique Vasyl Servatiuk, chef adjoint du service des gardes-frontières. « L’agression militaire de la Russie, qui prend la forme de ce qu’on appelle une guerre hybride, nous oblige à prendre des décisions difficiles mais importantes. Nous devons admettre qu’à ce premier niveau, nous avons pu ne pas être prêts pour de telles formes d’agression. Je doute d'ailleurs qu’aucun pays n'ait un mécanisme efficace pour contrer ce type d'action. »

400 km de frontières avec la Russie hors contrôle

Cinq régions d'Ukraine ont une frontière avec la Russie. Trois de ces régions (Chernihiv, Sumy, Kharkiv) et une partie de Luhansk « sont complètement contrôlées par les gardes frontières » ukrainiens. « On améliore le contrôle dans les postes-frontières et par des patrouilles. Dans plusieurs secteurs, nous faisons appel à des réserves pour pouvoir faire à des agressions ». La situation est maitrisée et une certaine coopération est même assumée avec les Russes. Mais « il reste 400 km (qui) ne sont pas contrôlés malheureusement par nos unités ».

Essayer quand même d'assurer le contrôle

« Nous utilisons différents modus operandi, on utilise notre influence, pour essayer d’assurer un contrôle de ces régions : les accords signés entre l'Ukraine et la Russie sur des contrôles conjoints (dont le centre est placé à Donetsk), les rapports des observateurs. On note les violations des frontières, le passage des soi disant convois humanitaires russes. On essaie d’initier des contrôles conjoints Russes et Ukrainiens, à Kuibyshevo-Diakove. Mais, si on me demande si çà marche, je dois reconnaître que non. » affirme Vasyl Servatiuk.

Principale tâche : gérer la crise à l'Est

« Notre principale tâche est de gérer la crise dans l’est du pays » confie-t-il. Les gardes-frontières ont été redéployés le long de la ligne de contact qui court sur 500 km et sur 2 régions. Cette ligne de contact est « contrôlée par nos unités de gardes frontières. Ils sont en contact avec des unités de l’armée, pour assurer dans le cadre compétences, le contrôle des passagers et des véhicules ». Il y a 20 points de contrôle, comme des points de passage mais pas des postes frontières (Border Crossings points). « Nous avons des patrouilles pour contrôler des groupes de sabotage, attaques, le passage des armes et des munitions. »

Des pertes significatives

Dans cette mission, les gardes frontières sont en première ligne. « Des véhicules ont explosé, et des gardes frontières ont été attaqués soudainement, juste un jour » Ils ont payé un lourd tribut à cette guerre : « 62 morts, 350 blessés, 11 disparus, 1 prisonnier ».

Une situation totalement différente à l'Ouest

La situation est « complètement différente à l’Ouest, avec la Pologne, la Slovaquie, la Hongrie et la Roumanie ». La coopération fonctionne « bien avec la Pologne, la Roumanie, la Hongrie, la Slovaquie. non seulement sur la base des traités internationaux mais dans un esprit de respect mutuel et de confiance ». Nous avons ainsi pu « relocalisé des unités de l’ouest vers l’est. Il y a suffisamment de moyens avec les pays européens pour assurer nos tâches habituelles. »

Une assistance européenne et américaine

L'équipement des gardes-frontières provient « des réserves ou, pour, une partie de l’armée et a transféré à l’Est. Nous avons bénéficié également d'une assistance internationale des pays européens et des Etats-Unis, avec des experts, des moyens de surveillance, des systèmes de vision de nuit, des véhicules. » Cette assistance est « significative mais ce pas encore assez. L’agresseur russe et les séparatistes ont reçu des armes et des équipements, meilleurs et en plus grand nombre que ceux que nous avons. »

... mais pas suffisante

Pour les Ukrainiens ce qui est frappant est la différence de moyens. « On est une agence gardes frontières mais nous devons faire face à une guerre. Les Russes utilisent des RPG, et anti tanks. Nous avons besoin équipements pour réagir à ces actes : des véhicules blindés, des moyens de vision nocturne, de reconnaissance de la technologie, des matériels anti tanks également. » Outre l'équipement, il s'agit d'avoir de l'expertise et de la formation. « On doit aussi former nos personnels au contact, se doter d'unités anti sniper ou lutter contre des groupes de sabotage. On a besoin de spécialistes pour cela. »

L'autre bataille : celle de l'information

Le conflit se poursuit également sur les médias. « La guerre de l’information, qui est en cours contre nous, poursuit l’objectif de discréditer nos aspirations de la population ukrainienne pour rendre les changements de pivot efficaces. » Là aussi les Ukrainiens réclament un « soutien dans la bataille de l’information. Nous attendons que l’UE et les médias disent la vérité sur ce qui se passe à l’est de l’Ukraine. Les médias russes ont une influence significative sur les citoyens européens. » Par exemple, il y a eu une information « sur les médias russes qu’un enfant avait été crucifié ». Information fausse. « Nous devons en permanence restaurer la vérité sur ce qui se passe en Ukraine. »

(Nicolas Gros-Verheyde)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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