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Le plan à 300 milliards de Jean-Claude Juncker. Comment çà marche ?

Jean-Claude Juncker explique son plan aux eurodéputés verts (crédit : CE)
Jean-Claude Juncker explique son plan aux eurodéputés. On reconnait José Bové, Yannick Jadot (crédit : CE)

(BRUXELLES2) Jean-Claude Juncker présente aujourd’hui, à Strasbourg, le « projet phare » de la nouvelle Commission européenne, un « Plan d’investissement » pour financer différents projets d’envergure dans toute l’Europe. Le pari est audacieux. Comment cela peut se passer ?

Pourquoi ce plan ? « L’Europe souffre un déficit d’investissement », plaide-t-on à la Commission. « Les investissements étrangers ont baissé de 15%, depuis la crise. Et ils ne sont pas revenus depuis » explique un expert du dossier. Il faut relancer la machine et redonner confiance aux investisseurs. Il s’agit aussi de donner un autre visage à l’Europe que celui de père fouettard, sur la rigueur budgétaire.

Comment çà marche ? C’est la Banque européenne d’investissement, une banque publique de la sphère européenne, qui va servir d’opérateur. Un Fonds pour l’investissement stratégique va y être créé spécifiquement, pour récolter les fonds et les réinvestir. Bruxelles espère ainsi mobiliser 300 milliards d’euros, voire plus.

D’où viendra l’argent ? C’est la même mécanique que pour un emprunt immobilier. Le budget européen fait un apport direct, avec quelques Etats membres, d’un peu plus de 20 milliards d’euros. Et il compte ainsi lever ainsi le restant sur les marchés financiers. Avec un milliard d’euros, « on peut lever selon les projets entre 6 et 20 milliards d’euros, selon les cas », explique un expert européen.

D’où viendra la contribution européenne ? L’argent injecté par l’Europe sera « ratissé » dans plusieurs programmes déjà existants : recherche (Europe 2020), PME (programme Cosme), transport (Connecting facilies).

Pourquoi ne pas utiliser que de l’argent public ? Tout simplement car personne n’a 300 milliards d’euros à mettre sur la table immédiatement. La BEI a un avantage, elle peut emprunter. Ce que ne peut pas faire la Commission européenne. Et elle bénéficie du Triple A. Ce qui lui permet d’avoir des conditions très avantageuses sur les marchés.

Comment seront choisis les projets ? Ce sont les experts de la Banque européenne d’investissement qui vont choisir les projets en piochant dans une liste de « grands projets » déjà définie. Une liste a été mise au point, négociée entre la Commission européenne et les Etats membres, pour la période 2014-2020.

Quels sont les risques de cette méthode ? Il faut éviter d'avoir des critères trop stricts de sélection des projets. Ce qui ne permettrait pas un réel investissement. Dans le passé, l'enveloppe disponible pour les prêts n'a pas toujours été dépensée.

Quelles sont les conséquences pour le futur ? Cette méthode transforme le budget européen. L'argent public devient un levier financier pour développer une capacité financière supplémentaire et pas seulement pour octroyer des subventions. Ce qui peut présenter un risque. Certains Etats - comme le Royaume-Uni toujours prompt à saisir la moindre opportunité pour diminuer les ressources européennes - pourraient prendre prétexte de cette "expérimentation" pour supprimer la fonction "subventionneur" de la Commission européenne et diminuer ainsi le budget européen des Fonds structurels dans la prochaine période programmation (après 2020), voire avant, lors de l'évaluation à moyen-terme de la programmation actuelle.

Nicolas GROS-VERHEYDE.

version rallongée d'un article paru ce matin dans Ouest-France

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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