B2 Le Quotidien de l'Europe géopolitique. Actualité. Dossiers. Réflexions. Reportages

Analyse BlogPolitique européenne

Barroso accroche son portrait. Au revoir et sans regret

JM Barroso en présence de JC Juncker dévoilant son portrait dans la galerie des anciens présidents de la Commission (crédit : CE)
JM Barroso en présence de JC Juncker dévoilant son portrait dans la galerie des anciens présidents de la Commission (crédit : CE)

(BRUXELLES2) Après dix ans passés à la tête de la Commission, « 424 réunions » comme il s'est plu à le dire face à la presse, José-Manuel Barroso quitte aujourd'hui son poste. Sans laisser beaucoup de regret derrière lui à vrai dire.

Personne ne dit Restez Monsieur Barroso !

Personne, même dans son camp politique, ne s'est empressé de dire « restez monsieur Barroso ! ». Au contraire. Pourtant l'homme ne manque pas de qualités. Il est lucide, intelligent, ambitieux. Mais ces qualités, l'ancien Premier ministre portugais ne les a pas vraiment mises au service de l'Europe. Il a plutôt cherché, à chaque fois, à trouver le compromis, l'esquive, qui lui éviterait de jouer le mauvais rôle. « Vous êtes le champion des abonnés absents » se plaisait à dire de lui l'eurodéputé Vert Daniel Cohn Bendit.

Faire demi-tour au paquebot "Commission européenne"

Apôtre de la dérégulation, et du minimum d'initiatives possible durant la première partie de son mandat, champion des codes de conduite et autres modes d'autorégulation (qui n'ont qu'à de très rares exceptions fonctionné), Barroso a été pris à revers par la crise financière. L'exécutif européen a commencé par nier tout d'abord un quelconque effet de la crise des subprimes démarrées outre-Atlantique, puis propagées au Royaume-Uni. Puis, tel un gigantesque paquebot, il a mis plus d'un an à faire demi-tour, à changer d'idéologie, pour commencer à réguler à nouveau les marchés financiers, sous l'impulsion notable du Français Michel Barnier, refaisant ainsi le chemin inverse qui avait été parcouru les précédentes années.

Garder la Grèce dans l'euro

A la décharge de Barroso, les Etats membres ne lui ont pas facilité la tâche. Mais cette donnée est quasiment inscrite dans l'ADN de la Commission européenne. Se complaire à A son crédit, la zone Euro n'a pas explosé comme les Cassandre se plaisaient encore à le prédire il y a deux ou trois ans. « Nombre d’observateurs des marchés, des économistes, des académiques, des hommes politiques pariaient sur la désintégration et de la zone euro, de l’euro. Je suis fier car la Commission est la seule institution qui n’ait jamais hésité » qui a toujours défendu la « présence de Grèce au sein de la Zone euro ». « On a vécu des moments extrêmement graves, ce n’est pas seulement la Grèce, le Portugal ou l’Irlande qui étaient menacés, l’Espagne, l’Italie et même la France étaient sous une pression énorme des marchés ».

L'élargissement réussi

Et l'élargissement n'a pas été la catastrophe annoncée. C'est même « Une des grandes réussites de l’UE que d’avoir réussi travaillé à 28. Quand j’ai pris mes fonctions on estimait qu’il était impossible de travailler à 25. La Commission a travaillé » sans difficultés. « Toutes les décisions ont été prises au consensus. Il n’y a eu aucune distinction en notre sein, entre les Nouveaux Etats membres et anciens Etats membres ». Un tour de force selon lui. Avec une réalité. « Ce ne sont pas les nouveaux Etats membres qui m'ont posé le plus de problèmes » concède l'intéressé. « J'ai eu beaucoup plus de problèmes à gérer avec les autres » concède l'intéressé.

Auto-satisfecit

Au final, Barroso se décerne un satisfecit. « Grâce aux nouvelles compétences pour la Commission et la Banque centrale européenne nous avons aujourd’hui une Europe plus forte et plus capable pour l’avenir. » Juste reconnait-il que « que nos actions n’étaient pas parfaites ». Mais c'est aussitôt pour expliquer que « Ceci est lié au processus de décision compliqué en Europe. On n’a pas pu avancer aussi vite qu’on voulait ».

Toute la stratégie et l'ambiguïté de Barroso se trouvent là résumées : ce n'est jamais de sa faute et toujours celles des autres. Cette autosuffisance et cet autosatisfecit sont plus qu'irritants. Si on ne peut lui jeter la pierre de l'eurosceptiscime grimpant, et du référendum négatif sur la Constitution en 2005 en France comme aux Pays-Bas, sa conduite des dernières années de crise, l'absence de projet européen clair pour les citoyens (à part celui de l'austérité), n'a certainement pas peu contribué à creuser le fossé entre les citoyens et l'Europe.

On comprend pourquoi, à Bruxelles aujourd'hui, chacun a envie de tourner la page « Barroso ». Vivement demain. Mais Jean-Claude Juncker, le successeur de Barroso, est attendu au tournant. Se présentant comme la "Commission de la dernière chance" (ce qui est un peu risqué à mon sens), il ne peut pas, il ne doit pas décevoir...

(Nicolas GROS-VERHEYDE)

NB : Version rallongée d'un article paru ce matin dans Ouest-France

Lire :

Lire aussi :

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

s2Member®