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Moscovici trop juste pour sa première audition. Condamné au rattrapage

MoscoviciAudition@PE141002(BRUXELLES2) Pierre Moscovici était attendu au tournant à Bruxelles. Non pas vraiment sur ses compétences mais sur son passé de ministre de l’Economie de François Hollande. Cela n’a pas raté..

Un tir groupé des députés de droite

Durant les trois heures de ce grand Oral, qui a ressemblé davantage à un disque un peu rayé, la plupart des députés (de droite essentiellement) sont revenus inlassablement sur le même sujet, tournant autour de 2-3 questions. « Etes-vous bien placé pour appliquer les règles du pacte de stabilité à tous les Etats ? Comment pourrez-vous garder toute votre objectivité avec la France ? ». Les dés semblaient jetés dès même l'entrée dans la salle du commissaire. Il fallait une victime. Et le Français offrait une proie rêvée.

Commissaire réformiste oui, rigoureux aussi...

Inlassablement, Pierre Moscovici, combatif, très politique, a répondu. « Je ne suis pas ici comme Français mais comme Européen » a-t-il expliqué, en appelant aux mânes de sa famille : « un père roumain et une mère d'origine polonaise, psychanalyste ». De quoi vous prémunir à vie contre la schizophrénie plaisante-t-il pour répondre à des députés insistant sur sa double personnalité. « Je serais un commissaire réformiste » promet-il, mais aussi d’être inflexible. « J’entends appliquer les règles du pacte de stabilité, toutes les règles, pour tous les pays, de façon égale ».

Je n'ai pas violé les règles européennes

Pierre Moscovici a tenu à répliquer, point pour point, aux eurodéputés que la France n'avait pas été trop coulante avec les règles du pacte de stabilité. « Je n’ai jamais violé les règles. Nous avons respecté toutes les règles, en accord avec la Commission européenne. Vous ne trouverez pas un exemple qui puisse m’être reproché dans les actes. » Certes « la France est en procédure de déficit excessif » se justifie-t-il. Mais elle n'était pas seule. Cette procédure concernait « 22 pays sur 28 » et concerne toujours 11 pays...

Attention à ne pas faire du "French Bashing"

Il a mis en garde également certains députés tentés de faire du jusqu'au boutisme. « La France a besoin de l’Europe. Mais l’Europe a besoin de la France, une France forte. Ne faisons pas en sorte d’affaiblir ce pays. Ce qui ne signifie pas de l’indulgence ou manquer de crédibilité. »

La fiscalité, une surprise

Le Français a révélé publiquement qu'il ne s'attendait pas à se voir confier le dossier "fiscalité et douanes". C'était une surprise. « J'avais rencontré Jean-Claude Juncker qui m’a confié que je serais commissaire chargé de l'Economie et des Finances. Ne le dis pas. Je n'ai rien dit. Mais il y a une chose que je ne savais pas et que je n’ai découvert que lors de la conférence de presse ».

Des gages aux députés

Moscovici a donné des gages aux eurodéputés, en défendant bec et ongles cette politique monétaire à qui il ne trouve aujourd'hui que des vertus. « La politique monétaire est intelligente désormais. Elle donne tout un arsenal de mesures à disposition de la Commission ».

En cours de route, il abandonne l'idée d'une mise en commun de la dette, défendu en son temps par le candidat François Hollande. « Le temps des eurobonds n’est pas venu. Dans le sens où il y a une solidarité entre la dette italienne et la dette allemande. » « Et ce ne sera pas le temps de ce mandat » a-t-il ajouté. Et il se montre un ardent défenseur « de la compétitivité des entreprises (...). Les réformes structurelles ne sont pas là pour faire mal mais pour augmenter le potentiel de compétitivité des économies. »

Il affirme vouloir travailler main dans la main avec ses deux tuteurs, les vices-présidents Katainen (Croissance) et Dombrovskis (Euro), plutôt réputés comme intransigeants. Résumant d'une formule  le défi : « Notre boussole, ce sont nos règles ; notre principe d’action, la collégialité. » .

Mais cette formule (très ENA/ScPo) comme le reste des réponses n'a pas suffi apparemment...

Pas convaincus les députés

Les eurodéputés sortent divisés de l'audition: ceux de droite pas convaincus, ceux de gauche soutenant leur candidat. « La seule chose qu’on lui reproche, en fait, c’est d’être Français et socialiste ». C’est « une prise d’otages » lâche aux journalistes l’eurodéputée socialiste française, Pervenche Bérès. L'UMP Alain Lamassoure n'en démord pas. Pierre Moscovici « n'a pas apporté de réponse crédible sur la contradiction entre ses convictions européennes affichées et sa propre politique économique, qui a conduit la France à demander à deux reprises le report de la date à laquelle elle sera capable d'honorer ses engagements européens ».

Un devoir à la maison

La réunion des coordinateurs de groupe démarre jeudi et sera longue, plusieurs heures. Les groupes de droite (Chrétiens-Démocrates, Libéraux et Eurosceptiques) (ECR, ALDE, PPE) n'en démordent pas. Ils ne veulent pas donner leur quitus à Moscovici.  Plusieurs heures de débat pour un accord provisoire.

Le Parlement demande une série de « clarifications » par écrit, au futur commissaire. Une sorte de devoir de rattrapage à la maison ! Et la décision finale est remise à la semaine prochaine (quand toutes les auditions seront terminées). « Le  jugement final sur sa candidature dépendra de la répartition exacte des tâches entre lui et les deux vice-présidents sous lequel il est placé, Jyrki Katainen en charge de la croissance et de la compétitivité et Valdis Dombrovskis, en charge de la zone euro » confirme Alain Lamassoure.

(Nicolas Gros-Verheyde)

NB : version longue d'un article publié dans Ouest-France ce matin

Lire aussi (sur le Club) : Les 15 engagements de Federica Mogherini face au Parlement européen

Mis à jour : La partie Cinq commissaires en balance a été disjointe pour faciliter la lecture et permettre d'autres développements

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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