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Entre Européens et Russes, le test de la résistance à la douleur

allumer la mèche... et attendre l'explosion (crédit : Tom & Jerry)
allumer la mèche... et attendre l'explosion (crédit : Tom & Jerry)

(BRUXELLES2) L'épreuve de force engagée entre Européens et Russes est bien réelle, à coups de sanctions économiques et soutien financier au gouvernement de Kiev pour les uns, de mesures de rétorsion et d'avancées militaires pour les autres. Mais elle est inégale à plus d'un titre, notamment politique mais aussi psychologique. Avec les sanctions adoptées aujourd'hui, on sent que le seuil de la douleur est atteint.

Des systèmes politiques différents

D'un côté, nous avons "28" décideurs avec des intérêts et opinions politiques, souvent divergentes, et des rythmes différents de la vie politique. De l'autre, un pouvoir unique - même s'il est plus fragmenté qu'il n'en l'air - et surtout un seul espace public et un seul rythme politique. C'est un fait objectif mais qui peut être surmonté.

Le pari d'un craquement russe

En revanche, la résistance à la douleur, ce qu'on appelle aussi la résilience, entre les deux sociétés, européenne et russe, semble totalement inégalitaire. Les sanctions font mal à la Russie, c'est un fait. Et les Européens et occidentaux comptent sur un craquement de la société à un moment donné pour faire pression sur le pouvoir politique. Le problème est que les sanctions font mal aux Européens, en valeur réelle mais beaucoup plus douloureux, tout d'abord celles qu'ils infligent aux Russes (en pertes de marchés) puis celles qui les frappent à leur tour.

L'Européen n'aime pas avoir mal

L'Européen, habitué à un certain confort, n'est plus habitué à souffrir pour pouvoir tenir son rang international. Envoyer des militaires mourir au front est un anachronisme que seuls quelques pays supportent. Mais accepter des pertes financières ou économiques, à un moment où la crise sociale et économique attend son paroxysme est encore plus intolérable. C'est dans cette résistance à la douleur que les Européens peuvent perdre leur "combat" contre la Russie. Car les Russes ont peut-être plus que les Européens l'habitude de "souffrir". Et car l'objectif russe n'est pas unique : il n'est pas tant de convaincre automatiquement les Européens que de rompre certains liens économiques et commerciaux avec l'Ouest, pour revoir les liens de son interdépendance. Les contre-sanctions, notamment, sont un outil dans cette politique.

Une course au réarmement

A cela  s'ajoute une nouvelle course... aux armements. L'équipe Poutine a bien compris "le jeu" et force la donne. De la même façon que lors de "la guerre des étoiles",  les Américains de Reagan avaient accéléré une course aux armements, obligeant les Russes à suivre, Moscou retourne aujourd'hui cet argument. Avec un faible investissement - quelques milliers de militaires en Crimée puis en Ukraine de l'Est - il entraîne un bouleversement de la donne stratégique. En s'affichant comme un "adversaire" — on n'ose pas dire "ennemi" —, Poutine oblige les Européens qui considéraient le "front de l'Est" comme calme et pacifique à le réoccuper. Les budgets de la défense, en baisse constante, et appréciés par les "comptables" pour la facilité de coupes budgétaires, vont devoir être réalimentés. Ce qui, en période de tension économique, oblige à un véritable choix et est certainement plus lourd, à terme, pour les économies nationales

(NGV)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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