B2 Le Quotidien de l'Europe géopolitique. Actualité. Dossiers. Réflexions. Reportages

AviationDéfense UE (Doctrine)

Les Russes épuisent la chasse bulgare

la chasse bulgare en exercice (crédit : Armée bulgare)
la chasse bulgare en exercice (crédit : Armée bulgare)

(BRUXELLES2) Il n'y a pas une semaine aujourd'hui où les Mig 29 bulgares ne décollent pour aller "rectifier" la trajectoire d'un avion militaire russe. C'est une réalité constatée par les autorités bulgares. C'est bien simple. « Dans les derniers mois, la chasse bulgare a fait davantage de vols que dans les 20 dernières années » précise ainsi le président bulgare, Rosen Plevneliev, selon notre collègue de Sofia News Agency. « D'ordinaire, ils sortaient environ 2-3 fois par an, aujourd'hui c'est deux fois par semaine !  ». Et de s'interroger : « Qui a intérêt à ces vols extraordinaires des avions de chasse bulgares, peut-être davantage destinés à épuiser nos capacités techniques, peut-être à demander une maintenance plus rapide (*), peut-être pour épuiser les ressources de l'armée bulgare ? ». Effectivement « à chaque fois que l'espace aérien au-dessus de la mer noire est violé, ce sont deux avions turcs, deux avions roumains ... et deux avions bulgares ». Tout cela « à cause d'un seul avion russe, Ce n'est pas efficace » tonne le président bulgare qui semble appeler ainsi à réformer la surveillance aérienne dans les pays de l'OTAN. Selon le ministre de la Défense, Angel Naidenov, ces vols sont causés « par des avions de transport et de combat russes qui volent tout près de l'espace aérien de l'OTAN sur la mer noire ». Même si du côté bulgare, on se refuse à accuser davantage Moscou de jouer la stratégie de tension, comme il le fait en Ukraine, chacun sera libre de l'apprécier.

(*) Cette "sortie" appelle trois remarques :

1) Qui dit Mig 29, dit Russie. La maintenance technique de ces avions de conception russe, comme les pièces détachées dépend de RSK Mig, une société russe dépendant étroitement du pouvoir russe ne serait-ce que par les commandes. Si un jour Moscou décidait par mesure de rétorsion de suspendre également la livraison des pièces et la maintenance des avions Mig, la chasse bulgare se retrouve clouée au sol. Idem pour les hélicoptères Mi. C'est ce point qui exige une certaine prudence quand on parle d'embargo ou de suspension sur les armes, la réplique russe qui pourrait ne pas tarder serait critique pour certains pays.

2) Au passage, ceci est un excellent argument, au passage, pour renouveler la flotte bulgare (comme roumaine d'ailleurs, les deux pays cherchant à moderniser leur flotte. L'acquisition de F-16 d'occasion étant envisagé. Il ne faut pas nier cet aspect "communication" dans l'expression des officiels bulgare.

3) De façon plus générale, on peut estimer que le dispositif militaire européen est obsolète. Ce n'est pas uniquement une question financière et matérielle, c'est une question d'essence politique. Il y a un défaut de réflexion stratégique, militaire européenne encore plus que d'équipements. Cette pensée date du XIXe siècle et non pas du XXIe. Certains Etats européens - qui prétendent avoir une armée - mais ne sont plus capables de l'entretenir tandis que les autres (France et Royaume-Uni inclus) ont une armée - en ordre de marche - mais seront incapables dans les 10 ans à venir d'assurer tous les segments militaires comme ils l'ont fait jusqu'ici. C'est la réalité. Il y a des Etats nations qui agissent encore - malgré tous les efforts des organisations multinationales de type OTAN et UE - de manière divisée et morcelée face à des voisins (russes) ou des partenaires (américains, chinois) qui travaillent sur un espace unique, avec une chaine de commandement unique. Ce morcellement est nuisible. Pour reprendre ce que disait Dany Cohn Bendit, il est temps de mettre fin à une vision de la sécurité européenne qui ne repose que sur des visions nationales.

(Nicolas Gros-Verheyde)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

s2Member®