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Sur la ligne “frontière” entre Moldavie et Transnistrie

Expert EUBAM avec les douaniers moldaves sur la route entre Chisinau et Tiraspol (Loreline Merelle@B2)
Expert EUBAM avec les unités mobiles moldaves sur la route entre Chisinau et Tiraspol (Loreline Merelle@B2)

(BRUXELLES2 - le long de la ligne administrative entre Transnistrie et Moldavie) Comment contrôler une frontière qui n'en est pas une ? C'est le défi auquel les autorités moldaves sont confrontées à la ligne administrative qui sépare la Moldavie de l'Etat pro-Russe, non reconnu de Transnistrie. La mission européenne d'assistance aux frontières, EUBAM doit les soutenir et dix experts sont présents sur les 400 kilomètres de la ligne administrative. « Mais seulement du côté moldave » comme l'explique, avec insistance, Heinrick Heinke, chef du bureau de la mission à Chisinau.

Aucun contact avec la Transnistrie

« Nous n'avons pas de contact avec le côté transnistrien ». Le règlement du conflit transnistrien, autre tâche de la mission EUBAM, est laissé aux responsables du quartier général situé à Odessa, en Ukraine. Pour les 10 experts du bureau de Chisinau qui assistent les autorités moldaves, la tâche s'avère donc délicate. Car aucune coopération n'est possible avec les autorités d'en face. Et le cadre de leur mission est strict : « Nous soutenons tous les questions en lien avec les douanes, vers et venant de Transnistrie » indique Heinrick Heinke.

Des postes de douanes internes

Poste frontière moderne (BCP) du côté transnistrien avec un service des douanes et des gardes frontières (Loreline Merelle@B2)
Poste frontière moderne (BCP) du côté transnistrien avec un service des douanes et des gardes frontières (Loreline Merelle@B2)

Pour aller en Transnistrie, on doit d'abord entrer dans la zone de sécurité et traverser les postes militaires de la force tripartite de maintien de la paix russe, ukrainienne et moldave. Les voitures slaloment entre les obstacles noirs et blancs, et les chars, gardés par des hommes en treillis et en armes. Quelques kilomètres plus tard, un stop est placé au milieu de la route. Un policier moldave, habillé de noir, arrête les véhicules en provenance de Transnistrie, un douanier en uniforme bleu les inspecte et délivre les documents nécessaire au transit. Nous sommes dans un des seize ICCP (Internal Customs control Post, Poste interne de contrôle des douanes) de la ligne administrative. « Il n'y a pas de gardes frontières, car il s'agit d'un poste interne et non d'un poste frontière » m'indique Heinrick Heinke. Pas de barrière donc : « vous n'êtes pas bloqués à la ligne administrative ». Du côté transnistrien, l'ambiance est tout autre. C'est un véritable poste frontière avec barrière, douanes et gardes qui contrôlent l'ensemble des véhicules.

Empêcher le blocage du flux des marchandises

Sur les quatre cent kilomètres de la ligne administrative, la tâche des experts d'EUBAM est plutôt « d'assister les douaniers moldaves pour la surveillance des camions de marchandises afin d'assurer qu'il n'y ait pas de blocage illégitime ». Les camions de marchandises sont ainsi systématiquement arrêtés par les autorités moldaves afin de « contrôler si les biens transportés sont exemptés, ou non, de taxes ». En effet, si les biens viennent pour être utiliser en Moldavie, « les taxes doivent être payées ». Mais en cas de transit de marchandises, les camions transnistriens sont exempts de taxes sur la TVA et les produits de luxe. Et cela concerne la majeure partie des véhicules en provenance de Transnistrie circulant sur le territoire moldave (NDLR : 75% du commerce transnistrien se fait avec l'ouest, Lire sur le Club : La neutralité de la Moldavie et une perspective européenne (Igor Corman). Huit experts majoritairement bulgares, allemands, roumains et polonais vont ainsi régulièrement dans les 16 postes pour améliorer « le risk profiling (profil risque) » et donner « des conseils » au douanes moldaves. Un travail qui est également fait au côté des unités mobiles.

Assister et former les unités mobiles

Les experts d'EUBAM avec l'unité mobile moldave (Loreline Merelle@B2)
Les experts d'EUBAM avec l'unité mobile moldave (Loreline Merelle@B2)

On retrouve les experts de la mission EUBAM sur la route qui va de Chisinau à Tiraspol aux côtés des unités mobiles moldaves. Deux experts, un Bulgare et un Allemand, ainsi qu'un Moldave (l'interprète) assistent deux douaniers moldaves, qui arrêtent sur la route les véhicules qui leur semblent suspects, majoritairement des petits camions en provenance de Transnistrie, soupçonnés de trafic de marchandises en tout genre. « La formation des unités mobiles fait partie des recommandations de la mission EUBAM » se félicite Heinrik Heinke.

`Venus chacun avec leur propres véhicules et (un peu) coincés par la barrière de la langue (les douaniers rencontrés refusant de parler une autre langue que le moldave), experts d'EUBAM et douaniers se trouvent tous deux sur le bord de la route avec des rôles bien définis. « Nous ne sommes pas pro-actifs » détaille le Chef du bureau de Chisinau. « Nous n'intervenons dans le travail des douaniers moldaves que s'il y a violation des droits de l'homme ». Les experts surveillent ainsi chaque contrôle de véhicules  et conseillent les douaniers, pour assurer le bon « fonctionnement de ces unités ».

Et pour les hommes ?

Si la mission EUBAM insiste sur son rôle d'assistance pour « les marchandises », c'est la question des hommes entrant depuis la Transnistrie vers la Moldavie qui hante les autorités moldaves.  « Soutenue par la mission EUBAM », une déclaration commune, signée en 2012, permet ainsi un enregistrement des marchandises et des personnes prenant le train entre Chisinau et Tiraspol au poste de Ribniza. Et la mission EUBAM joue son rôle technique. « Quand le train arrive à la ligne administrative, il doit s'arrêter. Ce processus nous le facilitons » indique Heinrik Heinke.

Un service de migration flambant neuf 

Bureau territorial installé en novembre 2013 par les autorités moldaves à la ligne administrative entre la Moldavie et la Transnistrie (Loreline Merelle@B2)
Bureau territorial installé en novembre 2013 par les autorités moldaves à la ligne administrative entre la Moldavie et la Transnistrie (Loreline Merelle@B2)

Mais ce n'est pas le seul moyen utilisé par les autorités moldaves. Elles ont aussi ouvert, depuis novembre 2013, un service de migrations sur six ICCP. Il s'agit en réalité d'un petit bureau en préfabriqué flambant neuf à côté du service de douanes. C'est un « service volontaire et non un enregistrement officiel en tant que tel » indique l'officier du bureau des migrations. Le service s'adresse principalement « aux étrangers » qui souhaitent être enregistrés en entrant en Moldavie via la Transnistrie.  Quand on demande à l'officier des migrations le nombre d'étrangers qu'il enregistre par semaine, il a un petit sourire. « Il n'y a pas grand monde... Peut-être deux ou trois personnes ». Et le Chef de bureau de la mission EUBAM insiste. « Il n'y a personne qui est arrêté car ce n'est pas obligatoire ». D'ailleurs, à cette ligne administrative, il affirme n'avoir remarqué « aucun changement » avec les récents évènements en Ukraine « sur le flux des marchandises ».

(Loreline Merelle)

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