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Ukraine : l’UE agite la menace de sanctions… (Maj)

(BRUXELLES2) Le Comité politique et de sécurité (COPS) qui se réunit, aujourd’hui, a mis sur son ordre du jour la détérioration de la situation en Ukraine (lire : Opération nettoyage à Kiev). Dans la foulée, les ministres des Affaires étrangères de l’UE devraient se rencontrer, en urgence, et de façon exceptionnelle, jeudi (20 février), à partir de 14h à Bruxelles. (NB : le Conseil des Affaires étrangères est décalé à 15h, a annoncé le service de presse du Conseil jeudi matin).

Toutes les options envisagées

Au menu, la mise en place de sanctions - comme le gel des avoirs et l'interdiction des visas. Plusieurs des Etats membres en ont convenu même ceux qui étaient pas enthousiastes. Le ministre allemand des Affaires étrangères, F.-W. Steinmeier, s'est prononcé dès hier en faveur de telles sanctions. Et, ce matin, la France, par la voie d'un communiqué de François Hollande, s'est prononcé sur la « nécessité de sanctions européennes rapides et ciblées à l’encontre des principaux responsables de ces actes ». Le président français a eu au téléphone le Premier ministre polonais, Donald Tusk, et ont « convenu » tous les deux de ce type de mesures, demandant à l’Union Européenne « d’engager très rapidement » les décisions permettant la mise en œuvre de ces sanctions.

Recueillir l'unanimité pour des sanctions

A la Commission européenne, cependant, on ne veut pas s'engager, pour l'instant, sur le contenu et le rythme des sanctions. L'objectif de la réunion est, plutôt, de recueillir le sentiment de tous les Etats membres et d'obtenir une unanimité de tous, à la fois, sur le principe de sanctions mais aussi sur leur contenu. Car les sanctions se décident à l'unanimité. Au petit matin, les "28" ne semblaient pas tous exactement sur la même ligne. Ce qui semble sûr, c'est qu'on est décidé à accélérer la prise de sanctions. « Nous pouvons prendre des sanctions qui entrent en oeuvre très rapidement », explique la porte-parole de Catherine Ashton. Encore faut-il « savoir quand les utiliser et pour quels buts » ajoute le porte-parole de la Commission.

Des sanctions ... quelles sanctions

Dans l'arsenal européen, il y a plusieurs types de sanctions possible. Tout d'abord, l'embargo sur les armes et l'interdiction d'exportation d'armes, « d'équipements militaires non létaux ou susceptibles d'être utilisés à des fins de répression interne ». C'est la sanction la plus facile et la plus rapide « à mettre en place » comme l'a confirmé à B2 un proche de ses questions. Viser d'autres secteurs économiques serait plus complexe et plus sensible, car il pourrait avoir des retombées économiques sur certains pays de l'UE qui entretiennent des relations économiques avec l'Ukraine (Hongrie, Roumanie, Bulgarie, Grèce, Allemagne, Italie, etc.).

Une liste de noms

Il pourrait y avoir aussi un gel des avoirs et l'interdiction de visas, visant des personnes physiques ou morales. La difficulté, dans ce cas-là, est de s'entendre sur une liste précise de noms (avec noms et prénoms, n° de passeport), motif précis de l'interdiction — car celui-ci peut être contesté en justice — et avertissement préalable des personnes mises sur liste. « Une liste est déjà en préparation par les Etats membres » a confirmé Elmar Brok, le président de la commission des Affaires étrangères. Les Européens oseront-ils une symbolique politique lourde de sens en mettant sur liste noire non seulement des seconds couteaux (le chef de la police, des Berkout...) mais également la tête du pouvoir ukrainien, Viktor Ianoukovitch et les oligarques ? Selon l'étendue de la mesure, on verra le degré d'intention des Européens. NB : Dans tous les cas, les Européens ont intérêt à laisser un certain brouillard entourer la liste des noms concernées jusqu'à que celle-ci soit publiée au Journal officiel. Car en cas de gel des avoirs, il ne faut pas que les intéressés se débrouillent pour vider leurs comptes avant la mesure.

Une médiation mais pas avec Moscou

Quant à la perspective d'une médiation de différentes personnalités européennes, la Commission européenne reste très dubitative et botte en touche. Elle condamne les « violences d'où qu'elle vienne » Mais il n'est pas question d'entamer une discussion avec Moscou sur l'Ukraine. « Le futur de l’Ukraine est et doit rester dans les mains des Ukrainiens. C’est aux Ukrainiens de décider du futur, et de sortir de cette situation par le dialogue politique. »

Commentaire : l'Europe est prise à contrepied par l'évolution du pouvoir en Ukraine. Les diplomates européens - comme de nombreux Etats membres - étaient plutôt réticents sur l'idée de sanctions, les jugeant "contre-productives". Une position qui n'était pas dénuée de fondement. Vouloir dialoguer et imposer des sanctions dans le même temps est délicat. D'ailleurs, l'effet des sanctions n'est pas souvent évident comme le montre la situation en Belarus : malgré des mesures prises contre certains dirigeants, l'effet escompté (l'ouverture démocratique) ne s'est pas produit. Les "mesures restrictives" sont cependant le seul moyen pour les Européens de manifester leur désapprobation. C'est davantage un signal politique qui est ainsi recherché.

(Nicolas Gros-Verheyde)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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