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EUFOR Rca Bangui : pourquoi la Belgique hésite

Le détachement C-130 Belge arrive à Bangui (Crédit : DICOD / Ministère Fr de la Défense)
Le détachement C-130 Belge arrive à Bangui (Crédit : DICOD / Ministère Fr de la Défense)

(BRUXELLES2) Quelle sera la contribution belge a l'opération EUFOR Bangui-RCA en Centrafrique ? A écouter les différentes déclarations belges, on peut rester perplexe. On se souvient qu'au sommet européen, le 20 décembre, Elio di Rupo avait indiqué que s'il y avait une contribution belge, ce serait dans un cadre européen. Le ministre de la Défense, Pieter de Crem, semblait prêt à foncer et offrir non seulement des avions mais aussi des troupes à l'opération française Sangaris. Aujourd'hui, l'heure est la temporisation, particulièrement à la Défense, où on recense à la fois tous les moyens envoyés un peu partout (au Liban, en Afghanistan, au Congo, au Mali...) et où on voit les budgets limités.

Le soutien n'est pas remis en question

Ce n'est pas une question de motivation. La Belgique se veut un allié indéfectible de la France comme un fervent soutien de la politique européenne de sécurité et défense commune (PeSDC), pas seulement en paroles mais en actes également. Présente au Mali avec près de 70 militaires pour une mission de formation sur le terrain, elle l'est aussi en Centrafrique, où elle a apporté « tout de suite un soutien à l'opération Sangaris par les moyens logistiques » rappelle le ministre des Affaires étrangères Didier Reynders lundi (20 janvier). Le C-130 Hercules du 15e Wing Transport Aérien a ainsi effectué son premier vol entre Libreville (Gabon) et Bangui mardi (21 janvier).

Plusieurs étapes nécessaires, rappellent D. Reynders et P. De Crem

Et la Belgique est « prête à faire plus, dans un cadre européen » et apporter un « soutien » à la mission européenne en Centrafrique, indique D. Reynders. Pas question, pour autant, d'envoyer des troupes tout de suite. Avant tout chose, il faudra attendre « la mission d'évaluation » explique le Ministre des Affaires étrangères (NB : celle-ci est actuellement sur place). Ensuite, il faut avoir une « une invitation adressée par l'Europe » complète le ministre Pieter De Crem. Or aujourd'hui, « aucune demande de l’UE n’a formellement été adressée à la Belgique » précise-t-il. Il faudra voir ensuite si « nous avons les moyens de répondre à cette demande et le financement », ajoute un expert militaire. Puis, obtenir l'accord politique du gouvernement. « Ce sera le cabinet restreint qui donnera sa proposition au Parlement et « en fonction des demandes adressées on verra quelles sont les nécessités supplémentaires », détaille Didier Reynders. Bref une bonne série de parcours d'obstacles.

Un partage des tâches et des charges nécessaire

Tout cela va prendre donc un peu de temps. Et ne cadre pas tout à fait à la volonté côté européen, d'être prêt et de déployer des premiers éléments, « rapidement », avant la fin février (*). Du côté belge, on murmure, « c'est encore trop tôt ». De fait, il semble bien que au "16 rue de la loi" (Premier ministre) comme au "8 rue Lambermont" (Défense), on estime faire beaucoup dans la solidarité européenne là où d'autres font peu. Le ministre Reynders a été explicite lundi : qui dit mission européenne, dit « répartition des tâches » et « répartition des coûts ». « Chacun devra participer » : l'Allemagne (**) et « les Britanniques, aussi, au moins financièrement ». Et son collègue De Crem n'a pas été moins explicite deux jours après, à la RTBF, à l'occasion de la présentation du Battlegroup belge. « On fait nos efforts. Une opération militaire à l’étranger entraine certaines contraintes. Je n’exclus rien. (Mais) c’est au niveau européen d’envoyer des invitations… (Et) certainement avec un financement ». Clair !

(Nicolas Gros-Verheyde avec Loreline Merelle)

(*) Certains parlent d'un « délai de 30 jours » qui aurait été fixé entre la décision du CMC et le déploiement. Ce délai - mentionné par certains - existait dans les premières versions du document mais a apparemment disparu dans la dernière soumise aux ministres (pour ce qu'a pu savoir B2).

(**) l'engagement de l'Allemagne dans l’opération EUTM Mali - notamment pour la "force protection", pourrait permettre à la Belgique, qui est engagée jusqu'à mai normalement de récupérer des troupes (et un budget) pour la Centrafrique, peut-être pour le complément dans le cadre de la rotation

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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