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La revanche grecque

Athènes le 8 janvier, jour de l'ouverture officielle de la présidence de l'UE (© NGV /B2)
Athènes le 8 janvier, jour de la cérémonie officielle d'ouverture de la présidence grecque de l'UE (© NGV /B2)

(BRUXELLES2 à Athènes) La Grèce est bien au coeur de l’Europe ! C’est bien le sens politique, et même philosophique, de cette présidence grecque de l’Union européenne qui démarre. Le pays des Hellènes a une revanche à prendre sur tous ceux qui prédisaient son effondrement, le naufrage, son expulsion de la zone Euro, sa sortie de l’Union européenne. Et il est bien décidé à ne pas tenir un rôle d'apparence.

La cinquième présidence depuis l'adhésion

La Grèce est bien là, effectivement, abimée par sept années de récession, mais toujours vivante. Et le Vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères, Evangelos Venizelos, a tenu à le rappeler dès ses premiers contacts avec la presse ce mercredi à Athènes. La présidence de l’UE n’est pas une nouveauté pour Athènes. C’est la « cinquième fois que nous avons la présidence depuis l'adhésion en 1981 ». Dans le passé, la Grèce a tenu cette présidence à « des moments importants notamment avant deux vagues d'élargissement » : en 1994 avec les trois pays (Autriche, Finlande, Suède) et en 2003 avant l'élargissement aux pays d'Europe de l'Est. « Il y a une mémoire institutionnelle importante, notamment au ministère des affaires étrangères » a-t-il ajouté.

La présidence tournante de l'UE : un symbole de l'égalité entre Etats membres

La présidence n’est « pas un choix mais une obligation » a ensuite expliqué Evangelos Venizelos. C'est une « réponse à certains qui s'interrogent comment la Grèce, sous memorandum, qui demande l’aide des voisins, peut exercer la présidence de l'Union européenne ». La base de l’adhésion à l'Union européenne « est l’égalité entre les pays membres. Et le symbolisme le plus marquant de cette égalité est cette présidence du Conseil » qui tourne entre les différents pays.

Quelques errements européens

Le ministre s'est livré à une charge précise sur certaines erreurs, ou plutôt sur certains errements européens depuis le début de la crise. Il a ainsi critiqué la vision qui consiste à placer au-dessus de tout, la question de la réduction du déficit. « Aujourd'hui la Grèce a réussi sur l'excédent primaire, le déficit est ramené à un taux inférieur à 3% ». Mais la Grèce continue d'avoir une économie en berne. « Quand on a un excédent primaire, mais qu’il y a la récession, on n’a pas de développement et on se trouve dans un cercle vicieux car on ne peut atteindre l’objectif. (...) C’est là une question importante. Nous voulons une discussion sur tous les aspects, sur tous les éléments pas seulement sur l’excédent primaire. »

Des années perdues pour lutter contre la crise

Il a ensuite pointé du doigt la lenteur de réaction de l'Europe en général, et de la Commission européenne en particulier depuis le début de la crise. « Quand est survenue au niveau international la crise financière, économique et fiscale, l’UE n’a pas réagi avec l’efficacité et la vitesse nécessaire. L'Eurozone était prévue pour fonctionner dans des conditions normales. Elle n’était pas calée pour faire face à de grosses crises. Elle n’avait pas encore développé de mécanismes spéciaux pour la gestion de la crise.  » Il y a eu ainsi deux années de perdues. « 2009-2010 sont deux années de crise pour la Grèce ». « Les gouvernements européens, surtout les plus puissants, ne faisaient pas confiance à la Commission européenne (qui) n’avait pas prévu (la crise) et pas créé les instruments jusqu’à 2010. (...) « C’est pour cela que l’Eurozone a demandé l'aide du FMI pour développer des instruments de crises. »

La présence du FMI au cœur de l’Eurozone est un problème

La Grèce a essuyé les plâtres. « Les choix qui ont été fait n’ont pas été les plus efficaces ni faits avec la vitesse nécessaire. C’est un prix que la population grecque et l'économie grecque a payé. » Ce principe de la « troika (FMI - Commission européenne - Banque centrale) n’était « pas prévu dans le droit primaire européen ni dans le système Eurozone ». Il a été créé justement pour permettre la présence du FMI. Mais aujourd'hui « la présence du FMI au cœur de l’Eurozone est un problème ». Car « le FMI a été essentiellement conçu pour aider les pays en développement et pas pour les pays développés ».

La troika n'a pas de légitimité démocratique

Le ministre Venizelos a ensuite mis en lumière une autre erreur de conception du dispositif de redressement. Dans cet ensemble, « le Parlement européen est absent. La Troika comprend certes des membres très qualifiés (...) Mais ce sont des fonctionnaires qui discutent ainsi avec un Premier ministre grec ou le président de Chypre. Ce sont des discussions qui ont une énorme influence sur la population. » Mais sans que celle-ci « soit vraiment représentée dans ces discussions. Cela pose un problème important de démocratie » conclut Evangelos Venizelos, lors de ce premier échange de vues.

A suivre sur le Club de b2 : Face aux migrations et aux crises, une politique extérieure plus ciblée (Venizelos)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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