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Institutions UE

Chut ! Ne dites rien. La presse écoute

(crédit : Joseph Ducreux - University of Kansas)
(crédit : Joseph Ducreux - University of Kansas)

(BRUXELLES2) Trop de documents marqués "limite" fuitent s'alarme le secrétaire général du Conseil de l'Union européenne, dans une note qu'il vient de diffuser aux Etats membres. Intitulée "Divulgation de documents confidentiels", Uwe Corsepius s'alarme de certains dérapages et rappelle les Etats membres à leurs obligations. Une note qui ne porte pas l'appellation "Limite" mais a un petit goût d'ancien régime...

La presse est au courant : anormal !

« Récemment, plusieurs documents du Conseil portant la mention "LIMITE" ont été communiqués à la presse et diffusés par celle-ci » rappelle-t-il. Une disposition totalement anormale selon le secrétaire général. « Il convient de rappeler que toute divulgation non autorisée de tels documents est contraire aux obligations imposées aux institutions de l'Union et à ses États membres par les traités, (...) et porte atteinte à la capacité du Conseil et de ses États membres de s'acquitter de leurs missions dans un climat de franchise et de confiance réciproque. »

Les parlements s'y mettent

Non seulement les diplomates font fuiter les documents. Mais il « est en outre arrivé à plusieurs reprises que de tels documents soient rendus publics par des parlements nationaux ». Et là on est au comble ! « Les États membres ont accès à ces documents en leur qualité de membres du Conseil. Il appartient à chaque État membre de déterminer à qui, au sein de ses structures politiques et constitutionnelles, il est nécessaire de donner accès à un document interne du Conseil pour permettre à ses représentants d'exercer leurs fonctions en tant que membres du Conseil » écrit-il.

La transparence a des limites

Et de menacer : « Le Conseil et ses membres sont tenus de respecter les prescriptions juridiques des traités et du droit dérivé en ce qui concerne le secret professionnel, la protection des données à caractère personnel et la protection des documents, classifiés et autres, dont la divulgation n'est pas autorisée. Ces règles visent à protéger les intérêts des États membres, de l'Union et de ses citoyens, et notamment à permettre au Conseil de s'acquitter des misions que lui confèrent les traités. »

Commentaire : aucun exemple n'est cité. Mais chacun a, en tête, le projet de traité transatlantique, soigneusement gardé au frigo, tout comme les projets de conclusions du Sommet qui circulent sous le manteau à chaque réunion du Conseil européen. Et les exemples se multiplient. On sent à la veille des élections, l'envie chez certains responsables de resserrer la vis des informations "non désirées". Des fonctionnaires se plaignaient ainsi récemment que trop de fuites marquaient les réunions du COPS, le comité politique et de sécurité de l'UE. Enjoindre cependant aux exécutifs de mieux surveiller leurs parlementaires et leur presse laisse un arrière-goût d'autoritarisme, qui risquerait de produire l'effet contraire à celui recherché. Ce d'autant que, à ma connaissance, rien n'encadre la communication aux Parlements nationaux. A l'heure des tweets en tout sens, et des révélations successives sur la NSA, cette note a un goût en fait rafraichissant... d'ancien régime.

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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