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Golfe Moyen-Orient

Frappes en Syrie. Des Européens perplexes (Maj)

(BRUXELLES2) Si à Londres et Paris, l'engagement gouvernemental vers une intervention militaire ne fait aucun doute, dans les différentes capitales européennes, le propos est plus contrasté. On retrouve, de façon moins heurtée, mais toute aussi présente, certaines des divisions remarquées lors de l'opération en Libye. De fait, si tout le monde condamne l'usage des armes chimiques, la plupart des alliés de l'OTAN et des membres de l'Union européenne sont pour tout dire très circonspects vis-à-vis d'une opération militaire, voire hostiles. On perçoit une ligne très claire allant de l'Ouest très engagé à l'Est et du Nord de l'Europe, les plus réticents, en passant par le sud de l'Europe inquiet par sa proximité avec le conflit.

Tirer toutes les conséquences

C'est l'Allemagne, qui semble la plus déterminée dans un soutien affirmé à l'intervention. Même si ce soutien est sans participation. Devant les ambassadeurs, le ministre des Affaires étrangères, Guido Westerwelle a affirmé mardi (27 août) que « l’utilisation d’armes chimiques de destruction massive serait un crime contre la civilisation. Si un tel acte a bien eu lieu, la communauté internationale doit agir. L’Allemagne sera alors de ceux qui considèrent légitime d’en tirer des conséquences » ajoutant « nous sommes en étroite concertation avec l’ONU et avec nos alliés. » Le lendemain, mercredi, il a salué la tentative britannique d'obtenir une résolution du Conseil de sécurité.

Attendre le rapport, des preuves... un mandat de l'ONU

Aux Pays-Bas, c'est l'attente. Dans une lettre adressée aux députés, le ministre des Affaires étrangères, Timmermans, a indiqué vouloir « attendre » les résultats de l'examen par les inspecteurs de l'ONU avant de pouvoir se décider « sur les prochaines étapes ». Ensuite ce sera à « l'ONU (de déterminer) les étapes ultérieures de l'importance ».

De façon précise, la Belgique demande un mandat du Conseil de sécurité de l'ONU avant toute intervention, comme l'a rappelé le ministre de la Défense Pieter de Crem ainsi que son homologue des Affaires étrangères, Didier Reynders. Celui-ci a aussi exigé avant toute réaction « d’abord un échange de renseignements. (...) Nous allons d’abord demander aux Américains de donner davantage d’informations à propos de l’origine de l’utilisation d’armes chimiques en Syrie ».

Maintenir une distance de sécurité

En Grèce, le gouvernement souhaite maintenir une certaine « distance de sécurité » pour garantir son rôle stabilisateur dans la région, comme l'a expliqué une source gouvernementale à nos confrères du quotidien Ta Nea. Si Athènes pourrait ainsi soutenir les décisions de ses alliés, ce sera "sans participation", du moins active. Mais la possibilité d'utiliser la base de la Sude comme escale ou base de ravitaillement (comme c'est souvent le cas actuellement), pourrait être maintenue, selon les éléments qui filtrent dans la capitale grecque.

Pas de solution militaire

Le gouvernement italien est clair. L'Italie « ne prendra part à aucune solution militaire sans mandat du Conseil de Sécurité de l'ONU » a précisé Emma Bonino, la ministre des Affaires étrangères, devant le Parlement. « Même l'option d'une intervention limitée risque de devenir illimitée » a-t-elle ajouté. « La seule solution est une solution politique négociée ». Quant à l'utilisation des bases militaires italiennes, aucune réponse précise n'a été apporté. Mais selon une source gouvernementale, citée par la presse italienne, le gouvernement y serait opposé s'il n'y a pas de mandat de l'ONU. Faut-il préciser que les Américains disposent également d'une base en Sicile, garantie par un accord bilatéral.

Pas de solution militaire

Même sentiment en Finlande. Il est important de « ne pas recourir à des interventions sur la base d’affirmations fausses ou inexactes » explique le ministre des Affaires étrangères, Erkki Tuomioja, qui regrette le fait que le conseil de sécurité de l’ONU n’ait « pu jusqu’à présent assumer la responsabilité qui lui incombe ». Il « n’y a pas de solution militaire à ce conflit » ajoute-t-il.

C'est à Prague comme dans plusieurs capitales de l'est de l'Europe que se sont exprimées, de la façon la plus claire, les plus fortes réticences sur une intervention militaire. Dans un communiqué publié ce mercredi (en tchèque), le ministère des Affaires étrangères tchèque a détaillé de façon très claire cette réticence. La République tchèque affirme être plutôt en faveur d'une résolution diplomatique du conflit, dans l'objectif d'obtenir « un cessez-le-feu et des négociations sur la transformation politique » du pays.

L'OTAN condamne sans plus

Il n'est donc pas étonnant que les positions des organes collectifs comme l'OTAN ou l'Union européenne restent très imprécis. Réunis mercredi au siège de l'OTAN, les ambassadeurs du NAC (le conseil de l'alliance atlantique) se sont contentés de condamner l'attaque chimique et de réfléter la diversité des points de vues. « Une violation flagrante des normes et pratiques internationales de longue date. Toute utilisation de ces armes est inacceptable et ne peut pas rester sans réponse. Les auteurs doivent être tenus pour responsables. » Mais ils n'indiquent pas les moyens de cette responsabilité. « Nous allons continuer à nous consulter et à suivre la situation en Syrie de très près. L'OTAN continuera à aider la Turquie et de protéger la frontière sud-est de l'Alliance. »

Rien avant le rapport des inspecteurs

Le consensus sur la nécessité d'attendre le rapport des inspecteurs de l'ONU dépêchés en Syrie, pour faire toute la lumière sur la possible utilisation d'armes chimiques, leur origine et leur nature, l'emporte ainsi. C'est dans ce sens que le porte-parole de Catherine Ashton, la Haute représentante de l'UE pour les Affaires étrangères, a répondu aux questions des journalistes. Cette « investigation très importante. Il est essentiel que cette équipe puisse travailler dans des conditions acceptables afin qu'elle puisse mener une enquête complète sur ce qui s'est passé mercredi dernier. »

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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