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Golfe Moyen-Orient

Lignes rouges

la ville de Homs... début 2012 (crédit : Unosat)

(BRUXELLES2) La "ligne rouge" aurait été franchie en Syrie avec l'emploi d'armes chimiques. Les Etats-Unis après la France et le Royaume-Uni viennent de le reconnaître. Et timidement la Maison Blanche d'annoncer un soutien direct à la coalition syrienne. De ligne rouge, en fait celle-ci est "bidon".

Une seule ligne rouge, un seul juge de paix

Soyons clairs... En termes de conflit international, il n'y a qu'une ligne rouge et un seul "juge de paix". La ligne rouge, c'est la violation du droit international humanitaire, des conventions de Genève, qui interdisent de s'en prendre à des civils, à des hôpitaux, aux personnes neutres dans le conflit (journalistes...). Et celle-ci a été franchie depuis bien longtemps dans le conflit syrien... Il n'y a qu'un seul juge de paix : c'est le Conseil de sécurité où cinq Etats membres disposent du droit de veto. A partir du moment où les Etats respectent l'autorité du Conseil de sécurité, et qu'un pays disposant du droit de veto l'utilise, l'emploi de la force directe (type No Fly zone) est impossible. C'est ce hiatus entre la ligne rouge franchie et le sifflement par le "juge de paix" qui signe la prolongation du conflit depuis deux ans maintenant.

La crainte d'un débordement des frontières

Car rien n'interdit jusqu'à nouvel ordre (si ce n'est des engagements volontaires), les livraisons d'armes à une des parties au conflit. Et celle-ci a déjà commencé bien avant le franchissement annoncé d'une "ligne rouge". Ce n'est certainement pas l'usage d'armes chimiques qui est en cause. A l'échelle du conflit qui a fait près de 100.000 morts, l'impact - s'il fait peur - est relativement limité (*), pour l'instant. C'est l'écrasement de la révolte à Quosseyr, et plus encore la crainte du débordement du conflit du côté libanais et près de la frontière d'Israël dans le Golan, qui entraîne un changement de position médiatique.

Derrière le conflit, un autre objectif ?

Mais on peut se demander si l'objectif américain, au-delà du conflit syrien, n'est pas ailleurs ? Vers l'Iran ? On sait que Téhéran est profondément engagé dans le conflit, livrant armes et munitions, hommes et conseil, directement (par les Gardiens de la révolution), indirectement (via le Hezbollah). Un conflit qui lui coûte cher ; d'autant que le régime est déjà frappé par les sanctions économiques, européennes et américaines, liées au programme nucléaire. En s'engageant, dans ce qu'il faut bien appeler une course aux armements, Washington joue une carte de plus dans cet affaiblissement économique, avec ses alliés du Golfe qui disposent d'autres ressources. Il vise aussi à étrangler le pouvoir iranien, à l'obliger à choisir entre le programme nucléaire ou le soutien au régime syrien, voire à chuter... Un pari  !

(Nicolas Gros-Verheyde)

(*) Les Américains parlent de 150 morts. Pour situer ce chiffre, le conflit atteint - depuis un an - un rythme moyen 160 morts... chaque jour.

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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