B2 Le Quotidien de l'Europe géopolitique. Actualité. Dossiers. Réflexions. Reportages

Golfe Moyen-Orient

Syrie. Des preuves d’armes chimiques. “Toutes les options sont sur la table” (Fabius) (Maj)

Détection de substances chimiques au Kosovo (archives - ECPAD)

(BRUXELLES2) Le message est arrivé sur nos mails un peu avant 19h sur les boites mails des medias. Laurent Fabius, le ministre des Affaires étrangères, confirme de la façon la plus formelle possible. Oui, « la France a désormais la certitude que le gaz sarin a été utilisé en Syrie à plusieurs reprises et de façon localisée ». Les analyses réalisées par le laboratoire militaire français (désigné par l’Organisation pour l’Interdiction des armes chimiques pour l’identification des toxiques de guerre), « démontrent la présence de sarin dans les échantillons en notre possession ». « Nous avons décidé de communiquer aussitôt à la mission compétente des Nations unies et publiquement les éléments en notre possession ». Et d'ajouter : « Il serait inacceptable que les coupables de ces crimes puissent bénéficier de l’impunité. »

Qu'en déduire ?

1. Il y a plusieurs échantillons en possession des autorités françaises. L. Fabius l'a confirmé ultérieurement à France 2. Les échantillons proviennent à la fois de ceux prélevés par les journalistes du Monde a-t-il indiqué mais aussi d'une autre source, plus complète, permettant de faire le lien entre ceux qui ont tiré et les victimes. Ainsi que me l'avait confié un pro du renseignement récemment, on peut pas se contenter « d'avoir des gens qui pleurent et des pupilles dilatées ». Il faut remonter « la filière avec un maximum de traçabilité. Du prélèvement (des échantillons) à l'analyse en passant par le(ur) transport et la récupération » de ceux-ci. La certitude de Fabius tranche avec la relative prudence tenue jusqu'à là. Le ministre l'a confirmé de façon plus précise devant l'Assemblée nationale. « Du sarin a été utilisé à Jobar du 12 au 14 avril et à Saraqeb le 29 avril. Le sang et les urines de six victimes démontrent de façon certaine qu'il y a une intoxication. Le régime syrien est-il impliqué. Oui. Il y a des éléments qui permet de relier le largage par un hélicoptère volant à basse altitude de petites munitions qui diffusent de la fumée blanche ».

2. Toutes les options sont sur la table. Fabius a répété la "doxa" française, énoncée clairement par François Hollande l'autre jour à l'Ecole militaire, « qui entendait « n'écarter aucune option, si l'usage des armes chimiques était bien établi ». Mais derrière ce mot, les conséquences demeurent floues. S'agit-il simplement de marquer le coup, et de rappeler aux Russes leurs précédentes déclarations. Comme l'a expliqué aujourd'hui le porte-parole du quai d'Orsay, la « position des Russes telle que je la comprends, est la suivante : la preuve irréfutable de l'usage d'armes chimiques serait de nature à changer leur lecture de la crise syrienne et des remèdes à y apporter ». Ou s'agit-il d'aller plus loin.

3. L'intervention militaire. L Fabius l'a laissé entendre dans son communiqué. « Une ligne est franchie incontestablement. Nous discutons avec nos partenaires de ce qu'il va falloir faire et toutes les options sont sur la table. Ou bien on décide de ne pas réagir ou bien on réagit, y compris d'une façon armée, là où est produit, où est stocké le gaz. » Bien entendu, tant du côté de l'OTAN que des autorités françaises, on déniera toute préparation en ce sens. Mais il semble bien que les planificateurs soient déjà au travail pour préparer différentes options. Encore faut-il que l'intervention soit autorisée par le Conseil de sécurité. Ce qui est une difficulté importante. A moins que l'on s'en passe, et qu'un pays voisin (Israël par exemple) joue les francs-tireurs et intervienne...

4. En concertation avec les alliés. Tout cela est fait en concertation avec les Etats-Unis et le Royaume-Uni a annoncé le ministre français. « Le gouvernement britannique a confirmé avoir des preuves physiologiques que du gaz avait été utilisé ». A Washington, on reste cependant plus discret.

Pour les Français, comme pour la communauté internationale, c'est un coup de poker. Et un coup de poker dangereux.

(Mis à jour) 5 juin, 16h, avec les propos du ministre devant l'Assemblée nationale

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

s2Member®