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Livrer les armes à la Syrie. Tout de suite ou au 1er août. Comment lire la décision ? (maj)

un Milan, une arme anti-char, bien vendue dans le monde

(BRUXELLES2) Le compromis sur la livraison d'armes à l'opposition syrienne, négocié entre "Européens", le 27 mai, est un chef d'oeuvre d'ambiguité. « C'est la nature même du compromis que de vouloir faire dire tout et son contraire » m'a assuré un connaisseur du dossier.

Deux interprétations totalement contradictoires

Ce texte est, en effet, interprétable — et a été interprété — de différentes façons. Pour les uns (Autrichiens, nordiques, etc.), il interdit toute livraison avec le 1er août. C'est aussi l'interprétation du service diplomatique européen. Pour les autres (Royaume-Uni voire France), il permet les livraisons d'armes avant cette date.

Quand on regarde le texte de la déclaration, on peut effectivement avoir les deux interprétations : «Les États membres ne procéderont pas à ce stade à la livraison des équipements mentionné. Le Conseil reverra sa position avant le 1er Août 2013 sur la base d'un rapport de la Haute représentante ». Effectivement...

L'importance de la mise en page

Il faut regarder la mise en page de cette déclaration. Il y a bel et bien un retour de paragraphe entre les deux données.

Dans un paragraphe, on trouve ainsi l'engagement, politique, des Etats membres à ne pas procéder "à ce stade" à la livraison d'équipements. Le terme "A ce stade" est suffisamment flou et ne permet pas d'avis péremptoire. Dans l'esprit général, cependant, il vise la date de la conférence de Genève 2 et ses éventuels résultats.

Dans un autre paragraphe, se trouve la révision de la position du Conseil, "avant le 1er août". L'"avant" vise plutôt le Conseil des Affaires étrangères du 22 juillet. Cette révision peut englober l'ensemble de la position "armes" et ses différentes conditions, ou seulement le paragraphe juste avant. Les deux interprétations sont possibles, selon l'option politique qu'on prend sur la livraison des armes.

Deux délais pour deux types de décision

Dans une lecture purement formelle, cela signifie une distinction des décisions avec deux types de délai. Les livraisons des armes limitées "à ce stade" et la révision de la position "avant le 1er août". Si on avait voulu imposer une interdiction de livraison d'armes, la logique aurait été d'écrire : « les Etats membres s'engagent à ne pas livrer d'armes avant le 1er août. Le Conseil révisera sa position avant cette date ». Or ceci n'a pas été écrit. La position de William Hague, indiquant qu'il peut livrer tout de suite des armes est donc parfaitement respectueuse de la décision européenne.

Un engagement politique plus que juridique

Il sera surtout difficile aux autres Etats membres de s'y opposer. Car cette disposition est ancrée dans une déclaration du Conseil (à valeur politique). De la même façon, le respect des différentes dispositions - notamment pour les exportations des armements - n'a une valeur que toute relative : c'est une (simple) position commune, sans dispositif de contrôle notamment à la Cour de justice européenne.

La formalisation juridique

La décision parue au JO ce samedi a formalisé cet état des lieux. Le paragraphe sur la livraison d'armes a disparu, avec juste la reprise (dans les considérants, à valeur politique) de l'engagement dans la livraison d'armes sans mention de date...  (détails dans le club).

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

2 réflexions sur “Livrer les armes à la Syrie. Tout de suite ou au 1er août. Comment lire la décision ? (maj)

  • Francois Jourdier

    Pas d’accord, le texte anglais est clair: pas de livraison d’armes avent le 1er aout date à laquelle la décision sera étudiée. De toutes façons il ne faut pas fournir d’armes

    • Nicolas Gros-Verheyde

      Non le texte ne dit pas tout à fait çà. Et c’est toute la question. C’est pour cela que je le mentionne dans sa langue originale (anglais) et dans son format. Etre pour ou contre la livraison d’armes est une autre question, beaucoup plus complexe. Et le texte ne répond que partiellement à cette problématique.

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