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Petit dérapage démocratique à Djibouti. Pas grave se dit Bruxelles… (maj)

(BRUXELLES2) Il aura fallu un peu de temps pour que l'Union européenne réagisse aux élections du 22 février à Djibouti. A Bruxelles, on traite la petite république de l'Afrique de l'Est avec égard... encore plus qu'à Paris. La Haute Représentante (de l'UE pour les Affaires étrangères) « salue le déroulement pacifique du scrutin législatif du 22 février 2013 à Djibouti et l'engagement civique de la population et de l'ensemble des parties politiques pour l’avenir du pays » indique le communiqué publié ce jour. Les habituels termes diplomatiques utilisés au niveau européen pour montrer un certain courroux - "vigilant", "préoccupé", "très préoccupé" - sont même absents de la communication officielle. Et cependant, il y aurait de quoi...

Contestations des élections

Face aux accusations de fraude, et alors que les résultats ne sont encore que provisoires, Catherine Ashton « appelle les autorités responsables à procéder à une publication rapide et transparente des résultats du scrutin. Les contestations devraient être traitées suivant les procédures de recours prévues par la loi. » L'UMP (djiboutienne) - l'union pour la majorité présidentielle - l'a emporté d'une courte tête à Djibouti (où ont été publiés les premiers résultats). Ce qui lui permet d'emporter la majorité (80%) des sièges au Parlement, comme le relatent nos confrères de Radio France internationale. Le mode de scrutin a été amendé pour instiller une dose de proportionnelle. L'opposition qui, pour la première fois, se présentait unie à ces élections crie cependant à la manipulation des urnes.

Manifestations réprimées : appel à s'abstenir de toute violence

Les manifestations ont vite dérapé, réprimées par la police nationale est intervenue "tirant à balles réelles" ; bilan : "10 morts minimum et plusieurs blessés graves" selon la Fédération internationale des droits de l'Homme (FIDH, lire ici). Ce bilan n'a cependant pas été confirmé. Dans la foulée, plusieurs responsables de l'opposition dont le dirigeant de l'Union pour le salut national, Hamed Youssouf, Hamed, ont été arrêtés. La quasi-totalité des membres de l'opposition ont été interpellés par la police et certains placés en résidence surveillée, souligne l'organisation des droits des l'Homme. Le Maire de Djibouti, Abdourahman Mohamed Guelle, et deux de ses adjoints ont aussi fait le détour par le commissariat de la ville (lire et écoutez sur Rfi). La réaction de l'Europe, là encore, est tout à faire mesurée. « La Haute Représentante appelle l’ensemble des forces politiques djiboutiennes à respecter l’Etat de droit, y compris le droit de manifestation pacifique, et à s’abstenir de faire appel à la violence. »

La realpolitik peut souffrir une entorse aux principes...

Cela pourrait paraître une évidence, mais dans l'environnement mouvementé de la Corne de l'Afrique entre Somalie troublée et Erythrée fermée, Djibouti apparait comme un havre de paix. La base logistique de l'opération Eunavfor Atalanta s'y trouve tout comme la mission de renforcement des capacités maritimes EUCAP Nestor. Et cet aspect est clairement mis en avant dans la déclaration de l'Union européenne « En tant que partenaire de long terme, l’UE souhaite continuer son partenariat avec le gouvernement de Djibouti, avec tous les partis politiques, la société civile et le peuple de Djibouti dans le but de poursuivre le développement social, économique et démocratique du pays. »

Commentaire : Attention !

La situation sur place, si elle ne fait pas la Une des médias, mériterait une attention plus soutenue. Le pays présente nombre de symptômes du "printemps arabe". Une population jeune qui ne recueille pas les fruits de la croissance. Autour de Djibouti, il y a une ceinture de bidonvilles qui ne bénéficient pas apparemment d'un grand intérêt. Et le régime du président Guelleh est sévèrement critiqué sur place, surtout son entourage qui s'accaparerait certains marchés. Un régime qui ressemble étrangement au régime "Ben Ali" en Tunisie, où une famille s'accapare les biens de l'Etat, comme me l'ont relaté quelques observateurs sur place. Méfiance...

NB : le site du quotidien national, proche du pouvoir, La Nation était inaccessible aujourd'hui (plantage interne, cyberattaque ou coupure ?) faisant apparaitre un message de "problème de connexion au serveur de Djibouti Telecom" du à un "trop grand nombre de connections".

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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