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Dernier exercice pour l’OHQ du Mont-Valérien avant mise en alerte. Quelques leçons pour l’avenir

(BRUXELLES2) Dans quelques jours, le quartier-général du Mont Valérien va être en alerte devant servir d'OHQ "de préfére,ce" en cas de déploiement du Battlegroup "Weimar" qui sera de "permanence européenne" durant le 1er semestre 2013. Ce battlegroup sera dirigé par le général polonais Rajmund T. Andrzejczak qui aura comme adjoint un colonel allemand, le colonel Manfred Arthur Reshke. La Pologne est, en effet, nation-cadre, fournissant 1700 personnes, et l'Allemagne, nation-pilote pour le soutien. C'est la 17e Brigade mécanisée Wielkopolska (WBZ) qui servira de force principale au Battelgroup. Des militaires plutôt aguerris puisque les opérations extérieures fournissent le quotidien de la 17e WBZ depuis dix ans, successivement engagée en Irak (en coalition avec les Américains), en Afghanistan (avec l'OTAN au sein de l'ISAF) et au Tchad (pour l'Union européenne au seine d'EUFOR Tchad).

Un dernier exercice d'auto-entrainement vient de se terminer au Mont Valérien

Se déroulant, sur une dizaine des jours, du 3 au 14 décembre, il a permis de tester la montée en puissance de l'OHQ face à un scénario de crise africaine. « Un pays fortement déstabilisé par des affrontements ethniques, des mouvements de rébellion soutenus de l'extérieur et un voisin agressif qui souhaite s'emparer de gages territoriaux. La force de surveillance de l'ONU, présente sur place, est débordée par une explosion de violence consécutive à l'assassinat du Président. L'Union Européenne, à la demande des Nations Unies, prépare l'intervention d'une force pour une durée de 12 mois en attendant qu'une nouvelle force des Nations Unies puisse être générée. » Toute ressemblance avec une situation existante ou ayant existé est, bien entendu, totalement fortuite, comme on dit dans les meilleures bandes annonces :-). Mais on peut parier qu'un tel scénario n'est tout de même pas très éloigné de la réalité quand on regarde l'évolution récente au Congo, voire au Soudan, ou quand on se remémore le passé en Côte d'Ivoire ou au Rwanda...

La machine à planification européenne s'est mise en marche

Un noyau clé est déjà présent à l'OHQ. A Bruxelles, le concept de gestion de la crise (CMC), les options militaires stratégiques (MSO) et la directive initiale militaire (IMD) ont été rédigés. Les 40 personnes du noyau clé sont donc chargés de transcrire cela dans une réalité opérationnelle : rédiger le concept d'opération (CONOPS), le besoin en génération de force (PCJSOR), le projet de règles d'engagement et un concept logistique. Le tout est présenté au chef d'état-major, le vendredi. C'est la fin de la première phase. Arrive la montée en puissance. Durant le week-end, les 80 personnels, renforts de 15 Etats-membres sont arrivés au Mont Valérien. Et le lundi matin, tout le monde est à pied d'oeuvre. Après une journée de consignes et de rappels, des travaux réalisés la semaine précédente, ils s'attèlent, avec quelques officiers du noyau clé, à la rédaction des annexes du plan d'opération (OPLAN). Le tout s'achève comme c'est l'habitude par un "VIP day" auxquels ont participé tous les attachés de Défense des Etats-membres, les représentants des autres OHQ et FHQ européens. La journée du vendredi était donc réservée au séminaire des chefs de bureau de l'OHQ autour du MG Biziewski, commandant d'opération potentiel pour cette alerte, et le général Andrzejczak.

Leçons pour l'OHQ

Quelques leçons ont été tirées de cet exercice par les officiers présents qu'on peut résumer en quelques points : la première d'ordre plus politique, les secondes et troisième proprement liées au principe de planification, les deux dernières plus spécifiquement françaises.

  • En l'absence d'état-major stratégique permanent à Bruxelles, le système actuel est sans doute « le meilleur compromis qui soit ».
  • Les processus d'activation en trois blocs : noyau clé (key nucleus), renforts principaux (primary augmentees), renforts additionnels (additional augmentees) « permet de disposer en cinq jours d'un état-major opérationnel ».
  • Les procédures de planification actuelles, inspirées de la GOP de l'Otan (Guidelines for Operational Planning) sont « en décalage avec la COPD » (la nouvelle procédure de planification de l'OTAN) dans le cadre de l'approche globale. Mais elles « permettent à un état-major non permanent de rédiger un CONOPS en 3 jours et un OPLAN en un peu plus d'une semaine avec des officiers d'état-major qui n'ont, avant l'activation, aucune idée de la situation du théâtre ». Cela parait donc « une méthode bien adaptée à la structure de commandement de l'Union Européenne ». (*)
  • L'OHQ du Mont Valérien, qui s'appuie sur le centre de planification et de conduite des opérations de l'Etat-Major français, son état-major parent, dispose de « moyens bien dimensionnés pour planifier et conduire une opération qui se déclencherait avec un très court préavis ».
  • Ce type d'auto-entrainement devrait pouvoir être organisé avec « un soutien mutuel des différents OHQ (cinq nationaux) afin de les rendre plus efficaces ».

(*) J'aurai personnellement un avis plus "nuancé" (comme on dit dans un bon guide diplomatique) de cette bonne adaptation. Les règles européennes, transcrites de l'OTAN, apparaissent souvent lourdes et décalées par rapport à la réalité des opérations et missions menées par l'Union européenne.

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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