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La situation à l’est du Congo dérape. Les 27 saisis de la question (maj)

un casque bleu pakistanais en patrouille dans les rues de Uvira au Sud Kivu le 22 octobre (© MONUSCO/Sylvain Liechti)

(BRUXELLES2) Alors que tous les yeux sont focalisés sur la Syrie ou le Mali, c'est la situation à l'est du république démocratique du Congo (RDC) qui dérape gravement. La prise de Kibulba à 30 km de Goma par les rebelles du M23 a sonné l'alarme. Au point qu'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité de l'ONU a été convoquée ce samedi après-midi à 15h (heure de New-York, 21h Bruxelles), à la demande de la France. Des renforts seraient arrivés du Rwanda selon le porte-parole de la Société civile du Nord-Kivu, Omar Kavotha, cité par Radio Okapi : « Nous avons appris que plus de trois camions  de marque Mercedes Benz, pleins d’éléments rwandais, ont traversé encore une fois la frontière, vendredi dernier entre 14 et 15 heures, en passant par Ndjerima en district de Rubavu donc du Rwanda. Et ces éléments ont renforcé encore une fois les positions du M23. Mais toute la nuit de vendredi à ce samedi, d’autres éléments rwandais se sont ajoutés », a déclaré Omar Kavhota.

La France demande la convocation du Conseil de sécurité

Le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, l'a confirmé il y a quelques minutes appelant « à la cessation immédiate des combats, à la protection des populations civiles et de tous les acteurs humanitaires ». « La France est très préoccupée par la reprise et l’intensification des combats opposant l’armée régulière congolaise aux troupes du M23, dont pourrait résulter un nouveau drame humanitaire » a-t-il ajouté. « Elle demande à tous les pays de la région de s’abstenir de toute ingérence dans les affaires intérieures de la RDC » indique le communiqué diffusé par le quai d'Orsay sans désigner le Rwanda.

La Belgique demande au Rwanda d'agir

Le ministre belge des Affaires étrangères, Didier Reynders, a été plus direct, rappelant que « l'intégrité territoriale de la RDC doit être respectée et que les autorités congolaises doivent pouvoir rétablir l'ordre sur l'ensemble de leur territoire.  Pour cela, aucun soutien ne peut être apporté aux rebelles qui combattent les forces armées congolaises et tous les efforts doivent être entrepris pour mettre fin à cette rébellion, de la façon la plus pacifique possible, afin de préserver les populations locales qui n'ont que trop souffert. » Et le ministre de demander « au Rwanda, qui est concerné par cette situation notamment en raison des répercussions possibles de cette instabilité sur son territoire (...) d'user de son influence pour contribuer positivement à la fin la plus rapide possible de cette situation de conflit ». La Belgique demande à la MONUSCO d'agir plus fermement et « de tout mettre en oeuvre, afin d’assurer la meilleure protection possible des populations civiles et le retour au calme, en appui et en coopération avec les Forces armées congolaises ».

Les ministres européens devraient être alertés

Le point "Congo" figurait jusqu'ici à l'ordre du jour du Conseil des ministres des Affaires étrangères de l'UE, à la demande surtout de la Belgique d'ailleurs. Ce sujet devrait "remonter" d'un ou deux crans dans les priorités européennes. Il est temps ! Alors que l'Union européenne a deux missions de stabilisation déployées dans le pays, l'une pour aider à la réforme de la police congolaise, l'autre pour assister l'armée congolaise dans sa restructuration ; la plupart des pays européens se désintéressent globalement de la situation dans la région des Grands lacs. Alors que la coopération européenne - toutes lignes budgétaires confondues - atteint près d'1,2 milliards d'euros pour 2008-2013, soit environ 200 millions d'euros par an, dont 50 millions pour l'aide humanitaire — ce qui représente tout de même un effort financier notable et une des principales zones (avec l'Afghanistan et la Somalie) d'engagement des fonds européens — on ne sent pas de réelle volonté des dirigeants de l'Union européenne (*) de s'impliquer de façon importante dans le règlement de la situation sur place. La force de l'ONU au Congo dispose de 16.000 militaires à son compteur. Mais elle n'a pas encore montré une efficacité décisive. Le moment venu, il faudra examiner si les Européens ne devraient pas s'engager de façon plus robuste, par exemple en engageant un "battlegroup". Nb : il y a en ce moment deux battlegroups d'astreinte, un dirigé par les Allemands, un autre par les Italiens qui céderont la place au 1er janvier au battlegroup "Weimar".

(*) à l'exception notable de Herman Van Rompuy, mais c'est son tempérament belge qui parle tout autant que sa fonction de président du Conseil européen.

(Mise à jour dim. 18 novembre)

Pour l'ONU, l'aide au M23 doit cesser

Réuni d’urgence samedi, le Conseil de sécurité a « vigoureusement condamné » la recrudescence des attaques perpétrées par le M23 dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), exigeant leur « cessation immédiate ». Il a également annoncé le renforcement prochain des sanctions contre le leader de ce mouvement rebelle, le colonel Sulutani Makenga (qui a pris le relais du général Bosco Ntaganda sous le coup d'un mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale pour "crimes de guerre"). Le président du conseil de sécurité, l'Indien Hardeep Singh Puri, a également exigé, au nom des 14 autres membres du Conseil, que « cesse la progression du M23 en direction de Goma », la capitale du Nord-Kivu, ainsi que le « soutien extérieur et la fournitures d’équipements » dont ce groupe bénéficie.

La Minusco déployée pour protéger les camps

La Mission des Nations-Unies au Congo (MONUSCO) a déployé samedi des hélicoptères de combat contre les troupes du M23 entre Kibumba et Kibati. Elle affirme « continuer d’assurer la sécurité du site de déplacés de Kanyaruchinya, situé à environ cinq kilomètres de Kibati ». Ce site, qui héberge déjà plus de 80.000 personnes, « vient de recevoir un afflux de 4.000 arrivants supplémentaires depuis le déclenchement des combats ». Dans toute la province du Nord-Kivu, depuis avril dernier, on a recensé environ 320.000 personnes déplacées à la suite des combats menés par le mouvement rebelle du M23.

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

2 réflexions sur “La situation à l’est du Congo dérape. Les 27 saisis de la question (maj)

  • Carl Tornell

    Monsieur,

    Est-ce que ce n’est pas une mission perdue d’essayer de préserver le RDC ? Aussi vaste que l’Europe, ce pays est une agglomération dont les frontières n’ont plus la moindre cohérence avec la situation étymologique réelle dans la région. Est-ce que ce n’est pas l’heure de laisser ces délibérations aux africains eux même, plutôt que de renforcer un point de vu occidental qui n’a plus aucune légitimité ?

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